Chapitre 1

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De la lumière. Bien trop de lumière.

Du froid aussi. Une température sans doute inférieure au zéro absolu. Sans la clarté qui agressait ses yeux et l'oxygène qui pénétrait à flots dans ses poumons, Keefe aurait pu se croire dans l'espace.

Une voix féminine - la voix de sa mère - résonna dans sa tête. Arrête de t'apitoyer sur ton sort! Cela ne changera rien.

Il grommela, tout en se recroquevillant dans ses couvertures, cherchant désespérément un moyen de garder la chaleur corporelle qui émanait de lui.

Il aurait pu se lever, et s'habiller. Au vu du soleil qui s'incrustait dans sa chambre, l'heure de se lever devait être largement dépassée. Dès qu'il aurait atteint sa chambre, Lord Cassius ne se priverait pas pour lui passer un savon. 

Pourtant... son corps était pris d'une léthargie qui ne le quittait pas. Il y avait un énorme vide dans sa tête, comme si toute la journée de la veille avait...

Disparu.

Il n'y avait qu'une explication à cela: quelqu'un lui avait effacé les souvenirs. Aucun moyen d'en être certain, bien sûr, mais sinon, pourquoi une partie de sa mémoire semblait manquer à l'appel?

Il grogna. Il ne connaissait pas le coupable, mais était prêt à parier sur son père. Qui d'autre pourrait faire quelque chose d'aussi monstrueux?

D'autant que le jeune Empathe avait déjà expérimenté ce petit lavage de cerveau. Il savait, au plus profond de lui, que chaque Effaceur venait à Candleshade sur ordre d'une seule et même personne.

Puisque sa mère se comportait avec affection envers lui, il ne voyait que son père, toujours si froid et égoïste.

Il inspira un grand coup. Même si ses yeux voulaient rester clos, lui souhaitait éviter une nouvelle humiliation de la part de son père. Il se força à se lever et, les pieds traînant au sol, s'avança vers son armoire, où il choisit la tenue la plus banale possible. Cassius rêvait de le voir se démarquer par des vêtements chers et sophistiqués; rien que pour cela, le garçon ne s'habillait que de tenues grises trouvées dans les boutiques les moins prestigieuses. Les costumes de soie brodés d'or, achetés dans une avenue d'Atlantide bordée des magasins les plus réputés des Cités Perdues, prenaient la poussière au fond de son placard.

Une fois habillé, il s'approcha de sa porte vitrée. Il ne voulait pour rien au monde se poster sur son balcon, à des centaines de mètres de hauteur, pour se confronter au vent glacial. Mais, à part la vue depuis cette porte, rien ne lui plaisait dans sa chambre.

Il descendit rapidement, tout en évitant de toucher les murs de cristal qui conduisaient le froid mordant. Après avoir emprunté le vortinateur, il arriva dans la gigantesque salle à manger du premier étage. Ce fut un plaisir immense de retrouver un soupçon de chaleur, à présent que seuls quelques mètres le séparaient du sol.

A sa grande surprise, le regard méprisant de son père ne l'y accueillit pas. Seule sa mère, qui releva la tête afin de lui sourire, était assise pour manger.

Il s'installa en face d'elle.

-Bonjour, Keefe, lança-t-elle d'une voix douce.

Même si elle lui paraissait parfois froide et distante - bien plus que celle de Della Vacker, en tout cas -, la voix de Gisela Sencen procurait au garçon un immense réconfort. Il se sentait aimé.

Elle balaya la pièce d'un regard hautain et défiant. Les gnomes présents dans la salle baissèrent la tête et sortirent d'un pas précipité.

Nouvelle pour le concours de LilicornesWhere stories live. Discover now