Personne-
Ouvrez les yeux. Regardez devant vous. Au loin.
Un arbre pousse.
Et un enfant ouvre les yeux...
Ethan -
Il est huit heures du matin. Je suis assis quelque part. J'ai les yeux fermés. J'attends. Longtemps. J'attends. Encore. Il y a du soleil. Je le sens. Et il y a ce vent. Qui me dévore.
Il y a des gens. Ou personne. Des présences qui résonnent. Dans ma tête, dans mes mains, contre le sol, qui vibrent dans mes os. Des présences qui m'oppressent, qui me calment, qui m'agressent et me condamnent. Je veux qu'elles partent.
J'aimerais qu'il fasse nuit. J'aimerais qu'il fasse noir. J'aimerais ouvrir les yeux et ne rien voir. Que le ciel soit vide. Que le ciel soit sale. Que le ciel soit morne. Parce que je sais qu'il l'est. Mais je ne le vois pas. Et je veux le voir tel qu'il est. Comment changer les choses qui sont ainsi depuis tant de temps ?
J'estime la vie, je veux être témoin de cette vie. Mais j'aimerais crever. Quelle saveur a la vie dans un monde si faussé ? Être spectateur de l'automne à l'automne. Voilà ce que je veux. Ça sonne dérisoire mais semble être à mes yeux un bonheur prétentieux qui m'étonne, voir les années passer me fait vriller et je m'enfuis dans des pensées depuis si longtemps oubliées.
Souvenirs de cette chambre où j'écris les songes disparates d'un rêveur dans l'oubli.
Moi.
J'ai des rêves. Des rêves qui me perdent, qui me fuient qui me laissent partir car eux ne tiennent pas plus à moi que moi à eux. Rêver. C'est se faire des mensonges dans la vie, se perdre dedans, s'oublier et mourir seul dans l'illusion d'un monde heureux. Rêver m'effraie.
J'ouvre les yeux lentement. Le soleil agresse ma rétine. Je me lève. Des sensations étranges me traversent. Je suis devant le lycée. Seul. Il est huit heures. Je rentre. Je souffle. J'avance dans la cour. Chaque contact de mes pieds avec le sol me transcende, comme si cela suffisait à me porter alors que je ne sais quelle force me permet encore d'avancer. Je suis fatigué. Je monte les escaliers. Vides. J'arrive devant la porte. Et j'attends. Je m'appuie contre le mur. Et j'entends. Je me laisse glisser sur le sol. Et j'apprends. Je referme les yeux. Pour quelques temps.
J'aimerais parfois qu'on me laisse pour mort, qu'on m'abandonne aux murmures de la pluie, aux premiers rayons à l'aurore et aux sombres légendes qui font rêver la nuit.
Je m'appelle Ethan. Des lettres à la volée laissées ici pour me donner un nom. Pour me reconnaître. Je suis perdu dans la déraison. L'existence de tout ceci, de ce monde pourri jusqu'à la moelle et de ceux qui le peuplent, de ces émotions à la con, tout ça c'est pour moi un poison. Un poison que personne ne mérite d'ingérer mais que tous convoitent. Les passions. Dans l'illusion de la vie on s'oublie. Je suis dans le déni. Cette vie qui m'appelle je la renie. Je la combat. Je la défie du regard et silencieusement je lui dis qu'elle ne m'aura pas.
Arven -
Je sors de la salle le premier. Ethan est assis contre le mur. Je pars. Je ne le connais pas. Je dois voir Priam. J'ai besoin de le voir sourire. À d'autres. De le voir rire. Avec d'autres. D'entendre sa voix. S'adresser à d'autres. De voir son regard. Se poser sur un autre.
Je sors devant le lycée. Il est là. Il rit. Avec Ève. Ève, elle est drôle. Elle est gentille. Elle est honnête. Si je devais parler d'Ève, j'aurais les mots. Pour Priam je n'en ai pas. Priam est quelqu'un. Quelqu'un que j'aimerais atteindre, quelqu'un que j'attends, quelqu'un qui ne viendra pas. Parce que Priam ne me connait pas.
Diane -
Je suis arrivée en retard ce matin. La journée commence. Mal. Je soupire. Je croise Jules dans un couloir. Ma respiration se coupe automatiquement. C'est drôle comme sensation. La chaleur, les palpitations, le ventre qui se tord sous l'émotion. Les gens parlent de papillons, les gens parlent d'amour. Plus j'y pense et moins je m'y retrouve. Je n'ai rien dit. Il m'a souri. Je suis partie.
Je vois Ève et Priam en sortant du lycée, je les rejoins. Je ne les écoute pas parler. Dans tous les cas c'est rarement intéressant.
Et c'est reparti pour une heure de pause devant le lycée avec ces deux-là qui parlent de sexe.
Faites que mon silence soit contagieux.
Ève -
Je parle avec Priam dans le vide. On le sait bien tous les deux. Qu'il faut parler pour parler, pour rester à flot quand les larmes menacent de couler. Et Diane se perd dans son mutisme, Arven dans sa contemplation. Nous deux, comme des cons, on prend la parole et putain c'est une prison.
Isaac -
Calvaire. Un mot. Pour une journée. Qui chaque jour se répète. J'espère. Trop tôt. Voir éclater. Ma tête. Il y a trop de choses qui me détruisent, et j'en fait partie. Mais quand on méprise cette souffrance que personne ne comprend, quand on banalise cette peur qui m'habite depuis si longtemps, je commence à y croire, à penser que mes traumas n'en sont pas, que le problème c'est moi. Là où je me dirige je me perds encore, chaque pas que je fais me pousse un peu plus vers ceux qui me rejettent inlassablement et sans remords puis qui m'oublient dans l'enfer qu'est ma vie.
Pupilles dilatées même quand j'ai les yeux fermés. J'ai appris à survivre mais très peu à aimer. J'erre dans un couloir trop sombre. Ne se mouvent devant moi que des ombres.
J'ai longtemps souhaité qu'on ne me retrouve jamais, qu'on ignore qui je suis ou qui j'ai pu être, que le temps me malmène et m'entraîne là où rien n'est plus et tout paraît. Mais ce n'est pas le cas. Je n'ai pas le droit de fuir comme ça.
Et je suis toujours là.
Je relève les yeux vers la fenêtre à ma gauche. Il fait beau. Il y a du soleil. J'ai les larmes aux yeux. Dans ma tête à moi, il pleut.
Priam -
Je suis allongé à même le sol du salon. Je suis rentré. Et j'ai perdu mes moyens. Je peine à respirer. Je me sens comme oppressé. Par mes pensées. Par mon passé. Et putain ça m'fait flipper. J'aimerais crier mais aucun son ne sort de ma bouche. Je crois que j'vais en crever.
Mes yeux se ferment. Seuls. Et je m'enferme. Seul. Une larme roule sur ma joue. Seule. Mes mains tremblent malgré tout. Seules. J'y arrive pas.
Mais je ne suis pas comme ça. Je refuse de l'être. Je crois être capable de l'admettre. Et je reste planté là parce que je ne sais plus où me mettre, je ne sais plus quoi faire ni penser, je ne sais pas vers qui me tourner, à qui me confier et quand bien même, si une telle personne existait je ne saurais quoi lui dire, je ne saurais lui faire entendre ce que je peine à m'avouer. Et si quelqu'un s'approche de moi, pourrai-je devant lui vraiment apparaître ? Alors j'attends seul avec effroi que toute cette mascarade s'arrête. J'attends seul et dans le froid, l'opportunité de me connaître.
Le silence avec lenteur m'accable et je m'imagine perdu sur une plage de Normandie, dans le sable humide et froid, j'entends les vagues qui déferlent sur ma conscience bien trop frêle et mon sang qui se glace, le tumulte qui me fait face ne détruit que ce qui calmait l'orage, ravageur de ma tranquillité.
Je regarde l'heure. À chaque instant j'ai peur. Peur qu'au fond de moi ne meure. La dernière lueur d'espoir dans mon cœur.
"Doux soleil, dis-moi qui dans cette nuit
A le plus tristement perdu la vie ?"
J'ai rien publié depuis si longtemps.. Je me lance actuellement dans quelque chose mais j'ignore encore réellement quoi. Trop hâte de le découvrir avec vous, chaque lettre que j'écris me fait frissonner d'avance à l'idée de voir le mot apparaître dans la phrase dont je n'avais pas idée au début.
Si tout se passe bien il y aura un chapitre tous les samedi soir.
Aron
écrit le 18 mars 2020
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