« see no evil »

vision n°1

Il était bientôt 16h30.

Le voyage avait été plus rapide que prévu. Tout passait plus vite avec une paire d'écouteurs et un livre.

Ça c'était ce que le jeune homme à côté de Brune pensait.

Le jeune homme à côté de Brune n'avait fais que lire depuis le départ de Paris.

Bien que son polar était passionnant, il s'était sentit mal à plusieurs reprises en réalisant qu'il aurait pu s'avancer pour sa présentation de microéconomie au lieu de lire.

Il ne pouvait que culpabiliser en jetant quelques coups d'oeil sur le côté ; la fille sur le siège voisin griffonnait le papier avec une concentration et une rapidité qui dépassait l'entendement.

Il avait hésité à lui aussi sortir son ordinateur et ouvrir powerpoint, puis il s'était rappelé qu'il lui restait une heure de train.

Il avait largement le temps de commencer dans trente minutes.

Se réconfortant dans cette solution qui n'en était pas vraiment une, il rouvrit son livre avec contentement.

Brune elle, n'avait pas eu le temps de réfléchir si oui ou non elle devait continuer le livre qu'elle avait entamée.

Pour commencer, avait-elle un livre à lire à part son manuel de statistiques ? Son carnet de physique et de spectroscopie ?

Elle n'avait pas envie de se rappeler de la dernière fois qu'elle avait ouvert un livre qui traitait d'autre chose que de biologie.

Elle n'en avait ni l'envie ni le courage.

Six heures de voyage de Paris jusqu'à Aix-en-Provence, puis un peu moins d'Aix jusqu'à la gare de Sète. Ces grandes lunettes rondes vissées sur le bout de son nez, Brune n'avait fais que travailler durant ce temps. 

Pas une fois ses longs yeux en amandes n'avaient osés regarder le paysage qui défilait près d'elle. Elle était distraite beaucoup trop facilement, elle le savait.

Si la jeune fille laissait son regard se perdre dans les teintes chaudes qui annonçait l'été, elle lâcherai son stylo illico presto.

Qu'importe, elle aurait tout le temps d'admirer les couleurs du sud durant son long séjour.

Long ? Elle exagérait. Peut-être parce que l'inconnu de cet endroit rallongerait sans doute le temps. Pour ces derniers moments de vacances d'avril, elle aurait préféré le brouhaha constant de Paris que le silence de mort de cette partie de la France.

Une semaine ne lui paraissait pas non plus insurmontable, mais de se retrouver aussi loin de son cocon, de ses repères et de sa zone de confort lui était déjà trop demandé.

À ces pensées, elle claqua ses joues du bout des doigts ; elle ne devait pas se morfondre.

Ça ira ma fille, ça ira. Et puis j'ai mon téléphone, j'aurai toujours cette voie d'issue.

Depuis son départ de Paris, Brune avait tentée tant bien que mal de se rassurer quant à ce séjour. Malgré sa tendance à toujours se forcer à voir le bon côté des choses, cette escapade loin de Paris lui semblait en être l'exception.

Elle était loin de sa mère, loin de son petit appartement, loin de Mia, de Violette et de Jean.

Et elle n'aimait pas cette sensation. Elle haïssait être perdue sans avoir le contrôle de ce qui l'entourait.

'Nous arrivons en gare de Sète. Merci de ne pas oublier de bagages ou d'affaires personnelles. Nous espérons que vous avez passé un agréable voyage en compagnie de la SNCF.'