Chapitre 1

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J'essayais tant bien que mal d'attacher mes cheveux. N'ayant pas d'élastique sur moi, je tentais de les faire tenir en les nouant, mais je venais de les laver le matin même et ils n'accrochaient pas. Comment un aussi petit détail pouvait-il me gâcher la vie ?

— Tu t'en sors, Sacha ?

Ma collègue m'observait, assise sur sa chaise, me dépatouiller comme je le pouvais avec ma tignasse.

— Non, visiblement pas, râlai-je. De toute façon, cette journée est pourrie. Il fallait bien qu'elle le soit jusque dans le fait de ne pas pouvoir attacher mes cheveux. Un de ces quatre, je vais finir par les couper court.

— Oh, non ! Ne dis pas ça ! s'exclama-t-elle. Ils sont si beaux... tu sais à quel point je t'envie de les avoir si longs.

Je le savais, Ophélie ne manquait pas une occasion de me le rappeler. Elle les portait au-dessus des épaules et assurait qu'il était impossible pour elle de les avoir plus longs que ça.

Poussant un gros soupir, je décidai de renoncer et de ne pas les attacher. Tant pis, j'allais continuer à avoir chaud, mais il y avait des moments où il fallait savoir abandonner une bataille qui s'annonçait vaine.

— Tu vas à la manif, demain ? m'interrogea ma collègue.

— Oui, j'ai prévu d'y aller, répondis-je.

— Et Antoine, il vient avec toi ?

— Non, il ne voit pas l'intérêt...

— Oh.

Elle ne poussa pas plus loin, sachant pertinemment que c'était un terrain glissant. Antoine était mon petit-ami depuis six ans. Je l'aimais, tout du moins, je l'avais aimé. Le problème résidait dans le fait que nous nous étions rencontrés lorsque nous étions étudiants et qu'entre temps, j'avais l'impression qu'un fossé avait émergé entre nous. Nous vivions ensemble et pourtant, j'avais parfois le sentiment de vivre avec un étranger. J'avais tendance à être révoltée par la société et le patriarcat ; à aller manifester dès que je le pouvais et ainsi défendre les droits de tout un chacun. Tandis que lui préférait rester sur notre canapé en « cuir de nubuck » qu'il m'avait imposé et regarder ses matchs de foots. Il ne comprenait pas pourquoi je mettais tant d'ardeurs à lutter pour les droits des autres, quand ça ne me touchait pas directement.

Moi, je ne comprenais pas ce que je faisais encore avec un homme avec si peu de convictions. Mais je n'avais pas le courage de le quitter, de devoir déménager, chercher un autre appartement... Avec mon salaire de jeune enseignante, je n'allais pas aller bien loin. Ma vie était si remplie et chargée, que je ne trouvais pas le temps de quitter un homme pour l'instant. Alors, je repoussais sans cesse le moment, depuis plusieurs mois, me disant que peut-être j'y arriverais cet été, pendant les vacances. Ou peut-être qu'il changerait soudainement et que je retrouverais celui dont j'étais tombée amoureuse il y avait plusieurs années.

Une sonnerie retentissante me tira de mes pensées. C'était l'heure de retourner en classe pour enseigner à ces petits monstres pleins d'énergies.

— Allez, les filles ! Haut les cœurs !

Pierre, le seul instituteur de notre école, était toujours de merveilleuse humeur et aimait essayer de faire en sorte que tout le monde le soit également. Malheureusement pour lui, ce n'était en général pas évident.

— Plus que quoi... vingt-quatre ans avant la retraite ? s'interrogea Ophélie à haute voix.

— Si tu penses comme ça, tu es mal barrée, quand même, lui répondis-je en riant.

Le reste de l'après-midi s'écoula comme une journée de travail normale et j'étais rentrée à la maison depuis un petit moment quand Antoine passa la porte. Il laissa son sac dans l'entrée et sursauta en entrant dans le salon.

Ad Mortem [édité chez BETAPUBLISHER]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant