Nuage

1- Âpre parfum

La mort s'approcha du garçon silencieusement, effleura ses cheveux de ses longs bras décharnés. L'enfant se retourna brusquement, pressentant quelque chose. Souple et légère comme de la soie, la cape ténébreuse du spectre ondulait doucement au gré d'un vent pourtant inexistant. La grande faux de métal qu'il portait miroitait et embrasait les environs de milliers d'éclats lumineux. On eut dit à cet instant que la mort transportait le soleil avec elle. Le manche de l'arme lui-même semblait immatériel, créé à partir d'on ne savait quel bois.

L'adolescent de son côté entrevit une silhouette floue se glisser furtivement derrière lui. Il fit volte-face et aperçut une chimère datant des plus anciens cauchemars. Un lourd grondement retentit au loin comme si un puissant orage éclatait. Haute de près de huit pieds, la chose n'était qu'un corps dépouillé et tirait ses multiples noms de croyances diverses. Toutes, cependant, la décrivaient de la même manière. Un spectre d'une noirceur sans égale, n'apportant avec lui que désolation et sinistres présages.

On disait que sa faux était capable de trancher tous types de chair et d'emporter avec elle chaque parcelle d'existence. La Mort. Voilà qui elle était. Le jeune homme porta son regard vers le crâne encapuchonné de l'être, mais n'y vit que le néant absolu. Les prunelles absentes de la chose paraissaient toutefois le scruter, le dévêtir pour pouvoir mieux plonger au plus profond de son âme. La Mort resta quelques instants fixer sa proie sans faire le moindre mouvement, puis les yeux du garçon devinrent vitreux. Sa pupille enfla tant et si bien qu'elle chassa toute trace de couleur dans l'iris émeraude, le faisant devenir d'un noir infini.

L'orbite de l'humain sembla trembler pendant une fraction de seconde. Le corps de l'adolescent fut parcouru de spasmes violents tandis que de ses yeux naissait une flamme ébène, léchant sa peau et brûlant d'une lueur effrayante. Le garçon s'écroula subitement et seuls ses bras restèrent animés de faibles mouvements. Sa main finit par retomber sur le sol glacé, inerte. Ses doigts, ouverts vers le ciel, paraissaient désespérément tenter d'attraper quelque chose d'invisible.

Les prunelles de l'adolescent se troublèrent et scintillèrent d'une lumière blanche. Ce dernier battit une dernière fois des paupières, la bouche ouverte comme pour pousser un hurlement. C'est alors que, du coin de son œil se forma quelque chose. Une larme rouge vermeil coula sur ses joues, y laissant une traînée sanglante. Alors la Mort s'approcha lentement. Elle se baissa et ramassa le corps sans vie du garçon puis l'étreignit délicatement.

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Il se réveilla brusquement, le souffle affolé. Une douleur lancinante lui parcourut la poitrine et le fit se plier en deux alors qu'il inspirait une goulée d'air. On eut dit qu'il venait de naître et respirait pour la toute première fois. Il ne se souvenait que très vaguement de ce qui lui était arrivé, seules quelques images peinaient à traverser son esprit embrumé. L'environnement avait changé, le ciel avait revêtu un manteau laiteux. Seule une immense étendue déserte lui faisait face sans qu'aucun relief ne vienne perturber la plaine vide, elle aussi blanche.

L'adolescent tenta de se lever mais il se sentait aussi fragile qu'un nouveau-né et ses jambes ne lui obéissaient plus. Tant bien que mal, il se mit alors à ramper sans trop savoir où aller. Au bout de quelques mètres de pénible parcours, il se rendit compte que le sol était subitement devenu moelleux et aérien. En baissant les yeux, il s'aperçut qu'il foulait des nuages d'un blanc nacré. Il entendit comme un son discret, derrière lui. Il tourna la tête et vit une paire de longues bottes noires à quelques dizaines de centimètres de lui. Il y avait aussi cette main, tendue vers lui.

En levant les yeux, le garçon vit qu'une femme était accroupie près de lui, quelques mèches de ses cheveux bruns tombant devant ses pupilles rouges sang. Elle restait l'observer sans un mot et l'observait attentivement. Ses longs doigts fins attrapèrent le poignet du garçon et l'aidèrent à se relever, puis il prit appuis sur elle, manquant de s'écrouler de nouveau.