Un sapin pas comme les autres

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Dernier week-end de novembre. Papa a déjà sorti les premiers sapins de Noël. Notre magasin de fleurs a une petite cour derrière et on peut donc entreposer les sapins debout fiers. Il y en a pour toutes les tailles et toutes les largeurs. Grand et élancé, petit et enrobé... Chacun peut trouver sa perle rare. Aujourd'hui, j'aide à la décoration. Il faut que la « magie de Noël » se fasse sentir. Noël ou l'époque la plus active de l'année. Depuis déjà trois ans je participe ardemment au magasin moyennant un peu d'argent de poche. J'aime bien voir les gens vagabonder dans les rayons, choisir des fleurs et autres plantes, souvent pour faire plaisir à sa moitié. Les quelques sourires qui sortent du magasin réchauffent ces journées qui se font fraiches.

« - Gabriel, tu t'en sors avec les guirlandes, demande mon père ? Fais attention à ne pas perdre ton équilibre sur ce tabouret !

- Oui Papa ! »

Rouge et doré, ce sont nos couleurs de Noël. Entre les guirlandes, les étoiles et les boules, il y a beaucoup de choses à accrocher. Normalement, toutes ces décorations vont aux sapins mais notre boutique représente un peu notre arbre à nous. Et la décoration ne s'arrête pas à l'intérieur ! Les guirlandes électriques apportent un peu de « féérie » à la cour du fond. Enfin... elles apportent surtout de la lumière. Je passe généralement un week-end entier à tout placer correctement.

Ce n'est qu'au deuxième jour que je commence finalement le travail dans la cour, auprès des sapins. L'atmosphère est généralement plus calme, l'odeur plus agréable aussi. Mais pour tout accrocher, cela demande plus d'acrobaties et du matériel plus encombrant. Le dimanche, j'entame donc la journée en plaçant l'échelle à un endroit stratégique. Puis j'amorce tranquillement la décoration. Vers onze heure trente, j'entends un bruit de fond. Cela ressemble à une discussion étouffée. Pourtant, il n'y a pas de client dans les rangées de sapins et mes parents s'occupent de la caisse. Je décide de descendre de mon perchoir pour voir mais aussi me dégourdir un peu les jambes. J'avance doucement entre les arbres en cherchant la direction d'où provient la voix. Les mots se font plus distincts.

« Noël, Noël... ils ont que ce mot-là à la bouche. Un prétexte pour tout... »

Toujours personne en vue malgré la proximité plus importante avec la voix. En arrivant dans une rangée vers le fond de la cour, je peux absolument tout entendre du monologue de la personne mais aucun être humain en vue.

« Ce n'est pas possible, j'entends des voix ou quoi ? Je deviens fou, soupiré-je »

Après ma déclaration, un grand silence s'installe. J'avance jusqu'au bout de l'allée au cas où mais toujours rien. Je rebrousse donc chemin et retourne à mes guirlandes. Le murmure revient.

« Il y a quelqu'un, finis-je par demander n'ayant pas envie de redescendre de l'échelle pour rien ? »

Nouveau silence. Retour aux guirlandes. Je suis interrompu par ma mère qui lance la pause déjeuner. Après une nouvelle vérification des rangées de sapins, je m'en vais à la salle de pause manger le repas fait par ma maman. En racontant mon histoire de la matinée, ma mère s'inquiète.

« - Et si c'était des rats ?

- Des rats qui parlent ?

- Mais non... Mais ça fait du bruit ces bestioles et il y en a plein Paris. C'est probable qu'il y en ait quelques uns dans la cour. J'appellerai un dératiseur dès demain matin.

- J'ai clairement entendu des mots Maman.

- Ton imagination te joue des tours Gabriel, intervient Papa. »

Et la discussion sur le sujet s'arrête là, même si je suis persuadé qu'il n'y a pas de rongeurs derrière le magasin. Le reste du repas passe en un éclair et très vite, je me retrouve auprès des sapins à continuer d'accrocher les LED multicolores.

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