Chapitre 2 - Isabelle Taylor

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— Alors, qu'est-ce qu'on a ?

Cole et Magaly levèrent la tête à l'arrivée d'Isabelle et William. Penchés sur l'ordinateur de la benjamine de l'équipe, ils écrémaient les réseaux sociaux. Jeremy, perché sur son bureau – Isabelle ne l'avait que rarement vu installé sur la chaise – regardait fixement l'article du journal.

L'agente jeta un bref coup d'œil circulaire. Magaly, Cole, Jeremy, William. Son équipe. Isabelle était brusquement montée en grade après le meurtre de Doug Rolls, leur ancien chef d'équipe. Assassiné par le Buveur. Ça n'avait pas été simple. Cela faisait plusieurs mois, à présent, mais elle ne s'y habituait pas. Doug manquait à tous, bien qu'ils n'en parlaient que rarement. Isabelle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il s'en serait mieux sorti qu'elle. Ils avaient tous deux une façon très différente de s'y prendre, et l'agente ne pouvait se départir de l'idée que celle de Doug convenait mieux aux autres.

Peu de temps après le meurtre de Doug, alors qu'ils tentaient vainement d'arrêter le Buveur, William Peterson avait réapparu. Ancien agent du FBI, autrefois considéré comme l'un des meilleurs, mais accusé de trahison. Il avait passé un marché, et obtenu une réduction de peine en échange de son aide sur l'affaire.

Mais là encore, rien ne s'était passé comme prévu. Isabelle avait découvert que William n'était pas humain. C'était un vampire, une de ces créatures se nourrissant de sang humain dans les contes pour enfants. Parce que oui, les vampires existaient. Et William n'était pas là pour les aider à arrêter le Buveur, au contraire : il était chargé de les conduire sur de fausses pistes, pour laisser au Clan le temps de capturer le Buveur – qui était aussi un vampire.

Toutes ses certitudes avaient été ébranlées. Les vampires se nourrissaient de sang humain, possédaient des capacités surhumaines et étaient pratiquement invincibles. Isabelle avait fini par l'accepter et maîtriser sa peur, mais encore aujourd'hui, elle était toujours un peu mal à l'aise. Pas avec William, qu'elle avait appris à connaître et à apprécier, mais avec les autres vampires.

Elle n'était pas la seule à être au courant. Jeremy Sullivan, le meilleur ami de William, était parvenu à tout découvrir. Et ce n'était pas tout. Abandonné à la naissance, Jeremy n'avait jamais tenté de savoir qui étaient réellement ses parents. Il avait récemment découvert qu'il n'était pas humain : fils de deux traqueurs, mi-humains mi-vampires, il en était donc un aussi.

Au début glaciale, la relation entre les deux hommes s'en était rapidement trouvée améliorée – bien que William continuait de se plaindre de la distance que Jeremy instaurait entre eux. Mais, comme l'avait remarqué Isabelle, le vampire adorait se plaindre.

— Oh, mais ferme-la un peu, tu veux ? grogna Cole en fusillant William du regard, et Isabelle retint un soupir.

Tous deux se disputaient constamment. Ils ne se détestaient plus autant qu'au début, ce qui était un soulagement pour tout le monde, mais ils n'en restaient pas moins insupportables.

— Ce n'est pas à toi que je parle, rétorqua William en haussant le ton.

— Tu parles tout seul !

— N'importe quoi ! Jerem, dis-lui que je ne parle pas tout...

Un coup d'œil vers son ami fit réaliser au vampire qu'en réalité, si, il parlait tout seul. Isabelle retint un sourire amusé. Elle ne comprendrait sans doute jamais leur fonctionnement à tous deux. Ils étaient proches, certes, mais ne se faisaient pas de cadeaux. William était un peu trop égoïste, parlait énormément de lui-même, aimait être au centre de l'attention et adorait qu'on l'écoute. Au contraire, Jeremy était distant, plutôt taciturne et ne se mettait jamais en avant. Et lorsque William se lançait dans une de ses fameuses diatribes sur lui-même, Jeremy n'écoutait généralement que d'une oreille distraite. Comment deux personnes si radicalement différentes pouvaient-elles être si liées ? Isabelle devait bien admettre que ça l'intriguait. Pour autant, elle avait rapidement remarqué que si l'un avait un problème, l'autre intervenait aussitôt. Enfin, si William avait un problème, Jeremy intervenait aussitôt. Sullivan avait plutôt tendance à garder ses problèmes pour lui-même – elle avait eu droit à plusieurs heures de monologue outré du vampire, qui prétendait qu'autrefois, Jeremy n'était pas comme ça. Les années les avaient changés tous les deux, et ils réapprenaient lentement à compter l'un sur l'autre.

Du sang sur les crocs - Tome 2 [Édité]Where stories live. Discover now