Chapitre 1

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Mon écran s'éteignit. Encore. Accablée je laissais retomber ma tête contre la table. Aïe. Mon ordinateur était en train de rendre l'âme et je n'avais absolument pas les moyens de remplacer cet outil si indispensable. Mon travail entier reposait dessus : pas de travail, pas d'agent et donc pas de nouvel ordinateur. Ce cercle vicieux allait finir par avoir ma peau.

Je pouvais toujours écrire à la main mais cela ne serait assurément point au goût de ma chère et tendre éditrice. J'avais fait des pieds et des mains pour obtenir ce contrat et ce n'était pas se stupide engin électronique qui allait tout gâcher ! De rage je tapais du point sur le clavier. Bien m'en pris car ma bête noire se ralluma dans un bruit assourdissant de ventilateur asthmatique.

La musique du roi lion : « je voudrais déjà être roi » s'éleva au-dessus du boucan de mon ordi. Prise de cours, je me jetais vers mon lit, m'emmêlant les pieds dans le bazar qui me tenait lieu de sol. Habituée à cette absence d'équilibre je ne fléchis pas et réussi à décrocher.

« - Madame Oftman ! Bonjour, j'étais justement en train de ...

- Mademoiselle Esperanza. – Me coupa-t-elle – Cela fait maintenant 2 heures que j'attends vos premiers chapitres.

- Oui madame, je finissais de les corriger.

- Vous devriez surtout être sur le point de me les envoyer ! – Reprit-elle – Mademoiselle ... Aurais-je eu tort de croire en vous ? Mes associés, comme vous le savez, étaient contre l'idée de travailler avec une aussi jeune personne. Votre roman m'a toutefois interpellé et j'ai décidé de vous donner une chance. Ne me faites pas revenir sur mon avis.

- Non madame, je vous assure, j'étais sur le point de vous les envoyer, mais mon ordinateur ...

- Je n'ai que faire de vos problèmes ! Nous sommes une grande maison d'édition, je n'ai pas le temps d'attendre votre bon vouloir. »

Le dragon n'était pas dans la pièce mais je courbais tout de même l'échine.

« - Je vous envoie les chapitres sur le champ madame.

- Bien. Et que cela ne se reproduise plus. »

Pas le temps, d'acquiescer, le dragon avait raccrocher et devait déjà tyranniser d'autres personnes. Laissant tomber le téléphone sur mon lit je retournais à mon bureau, profitant des bonnes grâce de mon ordinateur pour envoyer les chapitres promis. Une bonne chose de faite. Si cela convenait, l'argent que j'allais recevoir me permettrait de payer ma facture d'électricité, voire de manger autre chose que des pâtes.

Libérée de cette tâche je me mis en quête de mon blouson, il était tant pour moi de me rendre au rendez hebdomadaire que m'imposait ma psychologue. Heureusement, je n'habitais pas loin du cabinet et je pu m'y rendre en toute quiétude sans avoir à craindre d'être en retard, comme cela m'arrivait bien trop souvent. Louise, comme elle m'avait demandée de l'appeler, était à l'heure dans ses rendez-vous et je me retrouvais rapidement devant elle.

« - Bonjour Sarah, comment vas-tu depuis la dernière fois ?

- Je vais bien, j'ai pu envoyer mes premiers chapitres avant de venir ici, alors je suis soulagée.

- Parfait, cela fait plaisir à entendre. J'aimerais aujourd'hui, si tu le veux bien, aborder un sujet plus sensible. »

Je frissonnais sous son regard, je savais de quoi elle voulait parler et bien que je sache qu'il faille un jour en discutais, j'avais toujours repousser la chose. Mais j'avais désormais un appartement, un boulot et ce, en grande partie grâce à cette femme. Doucement je hochais la tête, donnant mon accord.

« - Cela fera bientôt deux ans jour pour jour. Vu que ta situation se stabilise et va en s'améliorant, je pense qu'il est temps de revenir sur ce qui s'est passé. – Avec douceur elle se pencha vers moi – As-tu des réminiscences de cette période, peut-être en rêve ?

Ma jambe se mit à tressauter.

- Pour tout vous dire non, rien. Je sais que cela est étrange après deux ans, mais c'est comme si ma vie avant cette période n'avait jamais existé.

- Comment te sens-tu avec cette idée ?

- Mal. Même si ce que j'ai subi est horrible, je préférerais être hanté plutôt que de ne rien savoir. Je conçois que mon cerveau est effacé la douleur et même ces monstres qui ... - Ma jambe trembla de plus belle – qui m'ont fouetté et m'ont laissée pour morte. Je ... je n'ose imaginer ce que j'ai pu subir d'autre. Mais pourquoi ai-je cru bon d'effacer également ma vie avant ça ? »

Louise bougea dans son fauteuil. Que pouvait-elle me dire que je ne savais déjà ? J'avais épluché mon dossier médical à la loupe, aucun traumatisme crânien n'avait été déclaré, rien n'expliquait cette perte de ma mémoire sur une si longue période. Sauf si ... Non. Je ne voulais mettre pas émettre cette hypothèse. Louise me regarda avec un regard rempli de compassion, un regard que j'avais appris à détester. Elle allait le dire : cette hypothèse que je ne voulais pas entendre.

« - Sarah, je suis psychologue. Et même si tu ne souhaites pas entendre la vérité, je pense qu'il n'y a que cette dernière qui pourra t'aider à avancer. As-tu déjà réfléchis au fait que si tu n'as aucun souvenir d'un passé, même avant ton accident, c'est peut-être parce que tu étais au main de ces ... personnes, depuis ta naissance ?

- Non. – soufflais-je – C'est impossible.

- Je sais que c'est dur, mais aucun service de police n'a entendu parler d'une disparition, tu n'es présente dans aucun fichier, sous une quelconque forme. Aux yeux de la loi tu n'existais pas.

- Je ... Je viens peut-être d'un autre pays...

- Aucun pays frontalier n'e t'as trouvé dans ses fichiers. Et je doute que dans l'état où tu été quand on t'a retrouvé tu es pu faire un long voyage. Je ne dis pas que cette hypothèse est la bonne, mais c'est une possibilité que tu dois envisager.

- Pouvons-nous arrêté de parler de cela s'il vous plait ?

- Soit – Me dit-elle conciliante – de quoi voudrais-tu discuter ?

- De rien. J'aimerais que l'on abrège la séance si vous l'acceptez.

- D'accord. Mais je souhaiterais que tu réfléchisses à ce que je t'ais dis pour la prochaine fois. »

J'acquiesçais et me relevais d'un bond. Je voulais sortir d'ici. Polie, je murmurais un rapide au revoir avant de m'enfuir. Il fallait que je prenne l'air.

Une fois dehors, je respirais un bon coup et m'engageais dans le parc qui se trouvait non loin de là. Je n'aimais pas la ville, il y avait trop peu de verdure, pas assez d'oiseau. Même le vent n'était pas assez présent : il se fracassait contre les immeubles avant d'avoir pu chanter sa complainte. 

Et dieu seul savait à quel point j'avais besoin du vent.

Coeur de plumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant