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Comme deux ou trois fois par semaine, Taehyung avait pris le bus et s'était mis à côté de moi ce soir. J'étais content quand il quand il le faisait. Il était gentil et jamais il ne m'avait laissé me sentir mal pour quoi que ce soit. Il me faisait parfois penser aux personnages de romans, ceux qui réussissaient dans tout et qui avaient tout pour plaire. Je savais que ce n'était pas le cas et heureusement, mais ça ne l'empêchait pas d'être parfois le seul à me faire sourire dans une journée.

J'étais bien à ses côtés, c'était si simple. Toujours à la même place, sur la deuxième rangée ; il refusait catégoriquement de se mettre à la première : il était persuadé que le chauffeur en profiterait pour nous espionner. Je n'avais rien à cacher et lui non plus, mais ça le dérangeait quand même.
Je ne savait pas comment définir ces moments. Même en ayant passé la pire des journées, j'étais heureux de l'entendre me rabâcher qu'il avait faim et mal à la tête.

Même si on ne se connaissait que très peu, la plupart des secrets que je partageais, c'etait avec lui. Comme la maquette de bâteau que j'avais commandée à Noël et que je n'avais jamais reçue, cette fascination que j'avais pour les gens qui aimaient l' automne, ou les photos des mes œuvres faites à la gouache sur mon lit et sans pinceaux. Avec lui, je n'étais jamais seul. On n'en savait que très peu l'un sur l'autre, et c'était très bien comme ça.

Et pourtant quelque chose me dérangeait.

Il m'empêchait de m'isoler et j'étais incapable de lui rendre la pareille. Il avait des problèmes et je le savais, mais il n'en parlait à personne, pas même ses amis les plus proches, il m'avait expliqué plus d'une fois qu'il trouvait que c'était inutile et que de toute façon, il ne s'en sentait pas capable. Je savais que je devais le faire parler pour pouvoir l'aider. Loin de moi l'idée de le forcer à quoi que ce soit ; il fallait qu'il me fasse confiance et qu'il s'ouvre.

Mais la mission de ce soir, c'était déjà de lui rappeler encore une fois de ne pas oublier de sortir ses clés à l'avance pour qu'il ne se retrouve pas à fouiller désespérément son sac sous la pluie.

Alors il sortit ses clés, me sourit et descendit à son arrêt. Il ne montrait jamais aucune réaction quand le bus repassait à côté de lui après avoir fait demi tour, mais cette fois ci comme toutes les autres, je le ragardai en souriant, prêt à lui faire un clin d'œil, juste au cas où il lèverait la tête.

Puis c'était fini et je ne lui reparlerais certainement plus pour un jour ou deux. On se croiserait sûrement mais on n'échangerait pas seul à seul. Pourtant pendant quelques minutes encore je serais heureux. Avant que tout ne retombe. De retour chez moi la routine reprenait toujours.

Je montais vite m'enfermer dans ma chambre et je me sentais coupable de faire subir ça à mes parents, puis je m'allongeais sur mon lit, parfois je m'endormais quelques minutes, parfois je me contentais de rester là à ne rien faire. Je restais silencieux pendant le repas et je me douchais en vitesse. Je faisais le minimum de devoirs et j'essayais de trouver de quoi m'occuper jusqu'à ce que le sommeil m'emporte.

Ce jour là comme deux ou trois fois par semaine Taehyung s'était assis à côté de moi dans le bus, mais une différence m'avait frappé : il était triste, et je savais que j'étais loin d'être le seul à m'en inquiéter. Quoi qu'il en soit je ne pouvais rien y changer à cette heure ci ; le seul effet que ça pouvait avoir ce soir était de retarder mon endormissement. Une fois encore, je n'avais aucun espoir d'être en forme le lendemain. Je finis par me laisser plonger, une seule pensée toujours persistante : celle de Taehyung.
Depuis quand est-ce qu'il me paraissait si important ? Pourquoi est-ce qu'il me rendait si heureux ? Est-ce que c'était ça le secret de mon existence ; un garçon qui vivait très bien sans moi était le seul à pouvoir m'aider ?

Peut-être qu'à force de broyer du noir, on devient intolérant à la lumière.

Myosotis - TaekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant