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La semaine était passée, les cours étaient terminés pour un moment et Taehyung m'avait proposé de venir fêter les vacances de pâque chez lui. Sans hésiter une seconde j'avais accepté. Jimin avait halluciné quand j'ai décliné sa proposition de sortie au cinéma parce que j'avais déjà quelque chose de prévu ; il avait même refusé de me croire au début.

Je me retrouvais donc dans sur le canapé de Taehyung à manger des crêpes faites à partir de la fameuse recette. Il m'avait fait une démonstration de ukulele comme promis, et c'était encore pire que tout ce qu'on pouvait imaginer ; on se demandé réellement comment un son aussi affreux pouvait sortir d'un instrument à l'apparence si inoffensive. Puis il m'avait posé des questions sur Jimin, mon meilleur ami, et Taehyung me fit le plus beau des cadeaux : il m'accorda sa confiance et me parla du sien.

"C'est un gars comme j'en avait jamais connu, et comme j'en connaîtrai sûrement jamais à nouveau. Il s'appelait Hoseok. Je déteste les gens. Les gens trouvent toujours ça poétique parce qu'on est jeune et que je ne l'oublie pas. C'est pas poétique il est mort. Il est pas dans les étoiles il est dans sa putain de boîte et je le retrouverai pas à ma mort non plus, tout ce qu'on fera c'est pourrir chacun de notre côté. Ils nous imaginent fascinés par le ciel. Le dernier ciel qu'il a vu c'est un plafond blanc. Tout ce que j'ai pu faire c'est regarder une pauvre infirmière le débrancher et ses parents chialer comme des hystériques. Tout le monde chialait. Même son frère qui lui faisait la misère à la maison. De toute façon ça faisait bien longtemps qu'il l'avait plus vue sa baraque. Je me suis jamais senti seul ou malheureux avec lui. Jamais. Il est mort mais il me manque. Personne ne le comprend et ça me tue."

Je lui répondis dans un souffle.

"Viens là"

Il put entendre ma voix hésitante avant d'être entraîné dans une étreinte qui se voulait la plus douce possible. Une poignée de secondes plus tard il s'accrochait à moi comme si sa vie en dépendait ; peut-être était-ce le cas ? Il paraissait si vulnérable... Les sanglots qui le secouaient se faisaient de plus en plus forts et irréguliers. Ce n'était pas grave, je savais que ça lui ferait du bien.

Il avait fini par s'endormir dans mes bras. J'étais content : au moins il ne pensait à rien. Il m'avait tout raconté. Son premier ami, leurs aventures, leurs rires et leurs pleurs. Les épreuves. Le cancer. Il l'avait vu s'éteindre, impuissant. Il l'avait laissé un soir, impatient de le retrouver le lendemain. Il l'avait retrouvé. Mais ils ne s'étaient pas retrouvés. Quand il est revenu pour sa visite quotidienne, Hoseok était déjà en état de mort cérébrale. Tout ce qu'il restait à faire était de réunir la petite famille pour assister au spectacle, puis de débarrasser le plancher. Le jour de l'enterrement, il avait posé des myosotis sur la tombe de son meilleur ami. C'était sa fleur préférée, et ça lui manquait de ne pas en recevoir un bouquet de la part de son ami à l'arrivée de l'été comme il l'avait toujours fait. Ça avait l'air vraiment important pour lui.

À son réveil on n'avait aucune envie de parler de choses sérieuses et déprimantes, ni l'un ni l'autre.

La musique à fond, j'aurais été incapables de décrire ou d'expliquer nos mouvements euphoriques et nos yeux presque ruisselants de bonheur. Je n'avais envie de rien d'autre que ce moment précis.
On célébrait sans savoir quoi.

La souffrance est une vérité, la vie et l'amour des prophéties.

Tous deux ravagés
On dansait sur les ruines
D'espoirs inconscients

Myosotis - TaekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant