Le départ

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Louis observa pendant quelques instants la chambre de son enfance. Les murs tapissés d'un papier peint bleu à rayures blanches abîmé par le temps et par ses propres ongles. Chacune de ces griffures sur le mur avait une signification, son premier 0 dans toute l'histoire de sa scolarité, sa mélancolie lors de son premier amour ou bien encore la haine qu'il avait éprouvé envers son père qui l'avait puni pour avoir été insultant envers son frère, Alec. De plus, on pouvait observer çà et là des traces de moisissures liées au nombreuses fuites d'eau présentes dans l'appartement qui avaient d'ailleurs motivés, avec la mort de sa mère un départ hâté, les gouttes d'eau étant une sorte de traumatisme perpétuel pour Louis, ces dernières l'accompagnant dans leur tambourinement sur le sol. Il avait pourtant essayé différents moyens pour effacer ce bruit nuisible qui le taraudait, mais rien n'y faisait, il entendait chaque nuit, chaque seconde le bruit de ces insupportables et innocentes gouttes qui tombaient de son plafond. Une symphonie perpétuelle et horrible qui réduisait la plupart de ses nuits au néant. Alors pour les occuper il réfléchissait, suggérait, hypothesait, pensait sur tout et rien pour se distraire lors des ces longues nuits de solitude. Il avait ainsi appris à déceler les visages, les émotions et les messages cachés dans chaque phrases, et pourtant malgré sa connaissance de la nature humaine il avait peu de relations car il perdait ses moyens lors de chaque conversation avec qui que ce soit. Il bégayait, laissait un vide dans la discussion cherchant ses mots, parfois compliqués qui lui attachaient une étiquette de personne bizarre et de non conforme. Non conforme aux autres car il était différent puisqu'il lisait et se cultivait au lycée durant les rares moments de repos qu'on lui laissait. Ainsi il était souvent seul et avait eu le loisir et le temps de penser à la nature humaine, c'est pourquoi il la connaissait si bien.
Louis continua de scruter sa chambre désormais vide, seuls quelques cartons renfermant des pacotilles et des objets à première vue inutiles, mais qui avaient leur histoire et leur souvenir, comme par exemple une vieille canette d'Arizona que Louis et sa mère avait converti en une lampe en piquetant cette dernière avec un compas durant un de ces longs et ennuyeux mercredi après midi où Louis convertissait le peu de temps qu'il avait pour lui à ne rien faire et à regarder la vie s'écoule devant ses yeux, s'égarant et se perdant dans ses pensées, tombant dans l'ivresse de certaines idées, jusqu'à se faire rappeler à la réalité par les cris de parents qui se disputaient ou d'un frère bruyant.
Louis était proche de sa mère, pour lui elle était un idéal qui lui était indispensable, elle le rassurait et occupait son temps, elle le faisait rire et lui faisait prendre goût à la vie. Elle l'aimait. Il se rappelait d'ailleurs de ces longs moments de discussions philosophiques et avec sa mère qui l'a fascinait tout autant qu'il le travaillait. Sa mère était une ancienne prof de philosophie reconvertie en secrétaire pour une société d'avions privés à paris. Elle travaillait à distance ce qui lui laissait le temps pour aller chercher son fils de temps à autre et passer du temps avec lui durant la pause de son fils, quand celui ci n'était pas occupé à travailler évidemment.
Quant à son père, il ne le connaissait pas vraiment, pour lui c'était une sorte d'étranger commun qui vivait avec lui, cuisinait et travaillait, une personnalité qui ne l'intéressait pas. Cependant il était reconnaissant de son travail et heureux de l'avoir lorsqu'il devait effectuer des devoirs pour l'histoire, son père étant historien aux archives de Paris. Malheureusement il ne l'aimait guerre plus et avait perdu de l'estime pour lui au fil du temps, le voyant enchaîner les boissons alcoolisées et les cigarettes devant des chaînes de télévision.
Louis fut tiré de ses pensées par les cris de son frère qui l'appelait, il avait couru dans l'escalier et sa chevelure blonde était légèrement humidifiée de cet effort. Ses yeux bleus fixaient louis, il était plus jeune de deux ans, avait la fougue et l'innocence de ainsi que la beauté de son âge. Il répéta : -<< allez louis magne toi ! Papa nous attend !>> avec une certaine assistance et une légère frustration émanant du fait que lui aussi voulait quitter le nid de la vie qu'il allait abandonner.
-<< oh ! Euh ouais désolé, dis Lui que j'arrive dans un instant ! >> avait-il répondu. Ce dernier ramassa les cartons qui gisaient sur le sol depuis un certain temps et observa pour la dernière fois ce qui fut son repère pendant tant d'années. Il porta toutefois un regard et une attention singulière pour la vitre qui donnait sur le vieux port de Bordeaux, où il avait passé de nombreuses nuit à sa fenêtre, à écouter les bruits lointains de la mer, s'imaginant ailleurs ou réfléchissant sur tout et rien, observant les passant qui marchaient le long du port où étaient garés de nombreux voiliers et bateaux à moteur de pêcher. Il regardait d'ici les touristes et les passant disparaître vers le phare lointain dans une indifférence totale.
Louis se retourna, cartons sur les bras, observa minutieusement les pièces de son ancien appartement. Il ne les reconnaissait plus dans leur absence de meuble, ces pièces qu'il connaissait pourtant lui paraissaient étrangères. Il n'arrivait plus à s'imaginer qu'il avait vécu ici et que maintenant que tout était vide, démuni de ce que sa famille avait bâti ici, il se sentait lui même détruit et vidé.
Cependant il reprit ses esprits, tourna les talons, ferma la porte principale en se disant avec un sourire triste et heureux a la fois relatant de son vide et de son enthousiasme perpétuel : << c'est maintenant qu'on redémarre>> .
Par la suite il descendit les escaliers de son immeuble auxquels il n'avait pourtant jamais prêté aucune attention jusqu'à aujourd'hui, les analysant et prenant du recul sur leur aspect, sortit de l'immeuble et monta dans le camion de déménagement où son père et son frère l'attendaient avec impatience.

Les souffrances de l'optimiste Où les histoires vivent. Découvrez maintenant