La vie au sein de l'alcôve bafoué avait pris un tournant assez troublant pour Solange; cela faisait presque deux mois que Malo avait pris possession des lieux, il devait donc en théorie avoir pris ses repères. Mais la jeune femme se rendit rapidement compte que le jeune homme ne semblait pas, malgré son appropriation du plan de la bâtisse, vouloir la lâcher d'une semelle. Qu'importe si elle avait une corvée à effectuer ou encore une mission à accomplir, Mézec l'accompagnait partout.
Cela l'avait, elle l'avoue bien volontiers, énormément gêné durant les deux premières semaines ; comment allait-elle se changer ou assouvir ses besoins naturels si elle n'avait pas un seul instant à elle ?
Mais la fugueuse avait eu vite fait de s'adapter. Elle se levait plus tôt puis se recouchait ensuite et le soir, elle jouait l'endormie et attendait que son colocataire s'abandonne à Morphée pour pouvoir se changer. Elle dormait moins, certes, mais elle assurait durablement ses arrières.
Malo ne s'était douté de rien pour le moment. Du moins c'est ce qu'elle s'efforçait de croire.
Ce matin ne dérogeait pas à la règle; la jeune femme se leva avant même le soleil pour se changer. Elle enfila lentement et délicatement ses bas, puis son corset, sa chemise de nuit enfin, puis retourna se coucher. Il lui restait plus ou moins une heure pour profiter du silence éphémère de la caserne.
Et elle n'avait pas eu tord, une heure et quart plus tard les tambours résonnèrent de l'allée jusqu'à eux et les deux jeunes gens se réveillèrent avec quelques grognements. Ils se levèrent molassement de leurs lits miteux puis s'habillèrent, ou finirent de s'habiller. Aujourd'hui serait une journée aussi banale que pouvait l'être celle d'un soldat de la caserne d'Orléans; ils surveilleraient les demeures misent sous protection royale, contrôleraient les marchand lointain et récupéreraient certaines taxes. Enfin, aujourd'hui était quelque peu spécial, le capitaine de caserne devait indiquer à deux caporaux de se rendre à Versailles.
La petite boulangère avait prévenu Malo que son cousin, caporal de la caserne voisine, était parti au palais royal il y a de cela 3 jours et que cette affaire royale finirait bien par s'appliquer à la leur aussi.
Les deux jeunes gens, enfin prêts, descendirent énergiquement les grands escaliers quelque peu crasseux. Tous deux avaient pris pour habitude d'être les premiers à leurs postes, il fallait donc qu'ils soient tous deux premiers tout le temps, y compris pour la soupe insipide qu'on leur servait pour en-cas matinal.
« Je me demande si aujourd'hui on appellera enfin les caporaux pour Versailles ...»
Elle n'avait pas prévenu Malo, mais leur supérieur, dans ses faveurs perpétuelles, lui avait sous-entendu que Malo et "lui" partirait pour le palais royale. Ça devait s'officialiser dans la journée mais pour être sûre de partir, elle ne devait pas en parler avec Malo. Elle allait au moins respecter ça; non pas pour cet idiot de capitaine de caserne mais pour faire légèrement angoisser le breton. Petit plaisir personnel. Et puis au final, le jeune homme n'avait en rien à s'inquiéter, il était bien plus compétent qu'elle ne le serait jamais. Elle lui reconnaissait au moins ceci.
« Nous verrons bien.»
Un nouveau silence s'installa tranquillement et sans malaise aucun, entre les deux jeunes gens.
Le reste de leur temps de préparation se passa dans un calme des plus silencieux, apaisant. Avant que la trompette sonnant l'appelle du matin ne retentisse.
« Bande de troufions on se bouge !»
Cet homme avait toujours autant de classe décidément ...
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Fleur cachée
Historical FictionSolange est une jeune bâtarde du roi Louis XIV et vit reculée de la cour jusqu'au jour où sa mère réapparait. Fleur cachée de 16 ans, elle se retrouve fiancée à un noble de la cour de 10 ans son aîné. Ne s'offrent alors à elle que deux solutions :...