Un Long Voyage - [Kuroro Lucilfer]

Sous l'œil mélancolique de la lune

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  Cette fois-ci, Kuroro décida de passer la nuit dans un immeuble désaffecté. Certes, ce n'était pas le comble du luxe, mais cela ne le dérangeait pas, lui qui avait grandi au milieu des déchets. Il marchait dans l'ombre, faisant crisser des débris de verre et soulevant la poussière sous ses pas. Il s'installa finalement dans une salle où une grande fenêtre, dont la vitre était cassée, semblait encadrer la lune. C'était un tableau d'une beauté froide. Une légère brise faisait onduler les rideaux spectraux situés de part et d'autre de la fenêtre. La lune, solitaire, était drapée d'épais nuages. Aucune étoile n'était visible dans ce ciel d'un noir abyssal. Il s'assit dans un coin de la pièce et s'adossa au mur. Seul le murmure du vent osait troubler le silence qui régnait.

      Ses pensées s'envolèrent encore une fois vers ses compagnons. Que faisaient-ils? Ils s'étaient sûrement séparés, ils restaient rarement tous ensembles, après tout. Avec qui Nobunaga allait-il passer ses journées à plaisanter et à se chamailler maintenant qu'Uvogin était mort? Puisqu'ils ne savaient pas s'il était en vie, avaient-ils choisis un nouveau chef, au moins provisoirement ? Kuroro avait toujours pensé qu'ils n'auraient aucun mal à se débrouillant sans lui, mais les récents événements le faisaient douter. Pakunoda, et sûrement d'autre, avaient pris d'énormes risques pour le sauver, cela montrait qu'ils le jugeaient comme indispensable et cela le décevait un peu. Il espérait qu'ils avaient choisi Shalnark. En plus d'avoir une intelligence remarquable et d'être le plus doué pour obtenir des informations, il analysait toujours les situations froidement et ne laissait jamais ses sentiments interférer.Il était également des seuls à ne jamais s'être disputé contre un membre. Cependant, il manquait parfois de recule pour juger les situations délicates dans leur ensemble, mais Franklin pouvait l'aider sur ce point là. Et peut-être qu'il manquait de l'autorité nécessaire pour contenir diriger les pattes, une tâche que le fort caractères de certains rendaient très ardue.Combien de fois les disputes enfantines et le comportement impulsif de Phinks, Uvogin ou Nobunaga l'avaient exaspéré ? Ou les coups de colère de Feitan, qui avait par ailleurs accidentellement réduis en cendre une partie de ses livres? Ou encore l'étourderie de Shizuku, qui avait failli faire foirer complètement un de leur vol en oubliant une des tâches qu'elle devait réaliser pendant l'opération. Malgré l'irritation qu'il avait ressenti lors de ces divers incidents, ces souvenirs égayaient sa soirée. Il leur vouait une profonde affection, bien qu'il ne le montrait jamais, et leurs bourdes finissaient toujours par l'amuser.

D'où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,

Montant comme la mer sur le roc noir et nu ? (1)

     Pourquoi une mélancolie douce-amère l'envahissait-elle?

     Qui étaient-ils pour lui? Ses membres. Ils étaient les pattes de l'Araignée, et il était sa tête. Ils étaient une extension de lui-même, ils formaient ensemble un seul organisme. Lorsque que l'un deux mourrait, c'était plus qu'un compagnon qu'il perdait. C'était une partie de lui qui retournait au néant.

     Le néant.

     La ville l'évoquant le plus était probablement l'officieuse ville de l'Etoile filante. Quel titre ironique. Un nom plein de promesse pour une décharge privée de tout avenir. Une décharge ou chacun était condamné à vivre dans l'insignifiance la plus totale, dans l'ombre du monde. Une existence insignifiante, une mort insignifiante. Invisibles aux yeux du monde. Condamnés à l'indifférence du monde. Cela ne provoquait ni colère, ni tristesse en lui. Les choses étaient comme elles étaient. Il ne nourrissait aucun sentiment d'injustice. De toute façon, avait-il seulement un sens de la justice ? Mais cela ne signifiait pas qu'ils s'était résolu à vivre comme un fantôme. Les membres de la brigade fantôme avaient décidé de laisser leur empreinte sur le monde, une empreinte souvent sanglante.