Kuroro descendit du train et se mêla à la foule des voyageurs. Les gens s'affairaient dans tous le sens, certains courant sur les quais pour ne pas rater leur train, d'autre vers des connaissances, formant un ballet coloré et désordonné au rythmes des pas et des talons battant la mesure, des roulements des valises et des différentes annonces.
Du coin de l'œil, il perçut une petite main se dirigeant vers la poche de son manteau. En une fraction de seconde, il saisit le poignet de l'enfant et se tourna vers elle. Cette dernière tenta d'abord de se libérer de sa poigne de fer, puis réalisant qu'il ne la lâchera pas, elle cessa de lutter et riva ses grands yeux bruns empreints de peur dans ceux inexpressifs du voyageur. Elle avait l'air d'avoir dans les dix ans, mais peut-être que la maigreur de ses membres et sa petite taille la rajeunissaient. Elle retint son souffle. Lorsqu'elle se faisait attraper, il y avait deux cas de figure. La personne qu'elle volait pouvait s'énerver et devenir violente ou ressentir de la pitié face à une enfant démunie. Dans le premier cas, elle devait se contenter d'encaisser les coups. Dans le deuxième, elle s'en sortait avec des excuses larmoyantes. Mais les yeux de l'étranger étaient inexpressifs, son expression était indéchiffrable. Elle n'y voyait ni un profond mépris mêlé à du dégoût, ni de la pitié mêlé à de la gêne qui pouvaient mener à ces deux issues. Qu'allait-il faire ?
- Tu devrais faire plus attention à qui tu voles.
Il libéra enfin son poignet. La petite fille, confuse, recula de quelques pas, puis parti en courant. Il ne lui avait même pas reproché de voler. Il lui avait seulement conseillé de bien choisir les personnes qu'elle voulait voler.
Alors qu'il sortait de la gare, la même fillette trottina vers lui. Il remarqua qu'elle avait deux pains sous les bras. Curieux, il s'arrêta et la fixa de son regard inexpressif.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- J'ai récupéré deux pains. Vous en voulez un ?
Il accepta puisqu'il n'avait pas encore mangé ce matin.
Alors qu'il marchait à travers les rues, la fillette continuait à le suivre, ce qui commençait à l'agacer. Peut-être devrait-il la tuer discrètement ? La mort subite d'une fillette ne pourrait pas passer inaperçue auprès des passants, ils l'accuseraient aussitôt. S'il se mettait à tuer toutes les personnes dans la ruelle, des mesures seraient prises. Dans le pire des cas, les trains seraient bloqués jusqu'à que les autorités retrouvent le criminel, ce qui compliquerait son voyage.
- Qu'est-ce que tu veux ? Demanda-t-il d'un ton légèrement exaspéré. Je ne te donnerais pas d'argent.
La fillette ne pouvait pas s'empêcher de tenter sa chance. S'il n'avait pas crié au voleur tout à l'heure, c'est bien qu'il avait pitié d'elle non ? En cherchant à cultiver cette pitié, elle arriverait bien à soutirer des pièces.
- Ah, c'est pas pour ça monsieur... Je peux pas retrouver les autres maintenant... Si j'ai pas d'argent, mes parents me taperont, se lamenta-t-elle les larmes aux yeux.
On pouvait effectivement observer des bleus sur ses jambes trop frêles et sur son coude. Cela faisait des années qu'elle était habituée à être battue, cela ne lui faisait plus grand-chose. Et puis ces derniers temps, le fait de ramener de l'argent ou pas ne changeait pas son sort. Par contre, c'était un argument qui faisait très souvent son effet.
Cependant, elle ne lu pas une once de pitié dans ses yeux qu'il n'avait même pas tournés vers elle.
- Ça ne concerne que toi.
La gamine était surprise. À l'exception de certaines personnes violentes, ce genre de supplications mettaient toujours les passants mal à l'aise. Elle n'avait pas senti une once de compassion dans sa voix. Nullement blessée par cette remarque froide, elle esquissa un petit sourire. La fillette avait toujours l'impression d'être prise de haut par tous. Par ses parents qui la considéraient comme un déchet inutile, par les passants rebutés par sa saleté et ses vêtements troués, et même par ceux qui se montraient généreux envers elle, en lui donnant quelques pièces. Elle était reconnaissante envers ses derniers qui l'aidaient, mais la manière dont ils la regardaient l'attristait toujours. Il ne la regardait jamais dans les yeux, comme s'ils avaient honte. Toutes les personnes qu'elle croisait lui donner l'impression d'être une erreur, l'impression qu'elle ne devait pas exister, tous regardaient de haut cette fillette qu'ils ne voulaient pas voir.
L'inconnu, lui, n'avait pas l'air de la traiter différemment. Bien qu'il était froid, il n'était pas méprisant.
L'enfant s'étant tue pendant un moment , Kuroro pensait qu'elle allait enfin partir. Cependant, ce n'était pas le cas. Elle continuait à le suivre en faisant des longs pas, soulevant ses pieds très haut à chaque fois.
- Tu viens d'où ?
- De Meteor City.
- C'est où ?
- Loin.
- C'est quoi ton métier ?
- Voleur.
Elle eu un petit hoquet de surprise. Personne à visage découvert n'avouait pratiquer cette activité illégale, même à des enfants insignifiants. Elle fit un grand sourire tout en gloussant.
- Comme moi alors !
Le sourire franche de la fillette, ainsi que sa démarche particulière lui rappelait quelqu'un... mais qui ?
Un souvenir remonta à la surface de sa mémoire. C'était un soir d'été. L'air était très sec, comme souvent à Meteor City. Il n'était encore qu'un enfant. Quel age avait-il à cette époque? Sept ans ? Neuf ans ? Il ne s'en rappelait plus. Il courrait pieds nus à travers les divers débris avec un autre enfant. Cela fait presque vingt ans qu'il n'a pas vu Ino, mais pourtant il se rappelle parfaitement de son visage. Il n'oubliait jamais ceux qui ont été importants pour lui. Des mèches brunes voltigeaient devant ses yeux bleus perçants, étincelants de vivacité. Un grand sourire fendait son visage trop émacié. À l'époque, Kuroro n'aurait jamais cru que ces yeux seraient devenus totalement mornes, que son regard se serait éteint. Il ne pensait pas que même la mort pouvait éteindre la puissante lueur qui habitait ses yeux.
Le chef de la brigade ferma ses yeux. Il pensait rarement à sa vie d'avant, celle qu'il menait avant de créer l'Araignée. Puisque c'était toute sa vie et qu'il n'existait pas en dehors de l'Araignée, il avait l'impression que celui qu'il était était une autre personne. Il cherchait à se comprendre, à voir qui il était réellement. Était-ce possible de le faire en n'accordant aucune importance à ses origines ? Pourtant, son enfance à Meteor City avait probablement fortement contribué à forger la personne qu'il était aujourd'hui. Peut-être que cela pourrait être intéressant de se pencher dessus.
Voulant se concentrer sur ses pensées, son agacement augmenta considérablement et il ordonna froidement à la fille de s'en aller, une expression menaçante sur le visage. Effrayée, elle s'en alla. Peut-être qu'il aurait du faire ça dès le début.
Kuroro finit par rejoindre une allée déserte. Enfin débarrassé du bruits des passants, il s'immergea dans ses souvenirs.
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N.D.A: Désolée pour cette très longue attente! J'ai vraiment eu du mal à écrire ce chapitre. Au début, j'ai abandonné cette idée puis j'ai essayé d'en écrire un autre, puis j'ai essayé un autre projet mais finalement je suis revenue sur l'idée de cette rencontre à la gare. J'ai vraiment du mal à écrire les chapitres de cette fanfiction. D'un côté, j'ai envie de le faire interagir avec pas mal de personnes, mais de l'autre, il faut aussi que je respecte sa personnalité assez particulière.
Pour ce chapitre, je me suis éloignée de mon idée initiale. Je voulais lui faire parler plus avec la fille et créer une espèce de "Discordance": susciter une pitié chez le lecteur qui contraste avec la totale indifférence de Kuroro, pour faire ressortir sa totale absence d'empathie envers les personnes n'étant pas dans la brigade. Finalement, je n'arrivais pas à "bien" écrire ça, donc j'ai abandonné.
Par contre, j'ai rajouté quelque chose qui n'était pas prévu, c'est-à-dire de créer une ouverture dédiée à l'enfance de Kuroro (telle que je l'imagine bien sûr, on a quasiment pas d'éléments dessus) .
Je suis un peu déçue de la qualité de ce chapitre, j'ai l'impression que les interactions ne sont pas très naturelles. Vous en pensez quoi ?
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Un Long Voyage - [Kuroro Lucilfer]
FanfictionSuite aux événements s'étant produits à Yorkshin City, Kuroro Lucilfer se retrouve séparé de la Brigade Fantôme. Le recul qu'offre cette longue errance solitaire pourrait être une occasion de comprendre ses réels motifs, de comprendre ce vide en lui...