T2 - Chap.2

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L'oreiller est encore trempé des larmes que j'ai versées toute la journée. Impossible de trouver le sommeil, les derniers événements m'avaient trop chamboulée. Je n'étais plus moi même depuis l'instant où la panique m'a saisie dans les bois, jusqu'à très tôt ce matin, lorsque Daryl m'a humiliée. Mon cerveau était complètement déconnecté, en pilotage automatique. Mais voilà, le prince Ortega en a décidé autrement. Il est venu me secouer sa victoire sous le nez en me traitant comme si j'étais la pire des traînées. Et, alors que je comptais sur mon système nerveux pour maintenir cet état de détachement, celui-ci m'a lâchement abandonné et a décidé de redémarrer pour me balancer toutes mes émotions dans la gueule. Débrouille-toi avec ça ma grande.

Tout est remonté à la surface quand Daryl a fermé la porte. Je ressens tellement de choses que mon cœur ne demande qu'à exploser. Les regrets pointent le bout de leur nez, je n'arrive pas à croire quelle femme je suis devenue. J'étais une fille de bonne famille, intelligente, riche, j'étais belle et douce et j'avais un avenir paisible et sécurisé. Comme passe-t-on de cet état à celui-ci?

Les souvenirs défilent dans ma tête. Depuis ma rencontre avec Stéphane, en passant par le jour où j'ai appris qu'il se foutait de moi, mon père me blâmant et me bannissant de la propriété pour mes erreurs, la très longue route Interstate 40 que j'ai empruntée en pleurant toutes les larmes de mon corps, le meurtre de Stéphane, le lac Percy Priest où j'ai abandonné ma bague de fiançailles et mon ancienne vie, l'état du Tennessee... là où j'ai perdu mon ancienne identité, mon entrée au refuge du Nouveau Mexique, ma nouvelle vie à New York, ma première rencontre avec une femme, ma première fois avec elle et tous les autres plans cul qui ont suivis, le petit boulot minable que j'avais jusqu'à ce que mon frère me fasse entrer dans le clan du mafieux Maccini... et à partir de là, une courte vie de gangster à ses côtés jusqu'à ma rencontre avec Daryl. Et même avec lui, ça s'est empiré : la première fois que j'assistais un chef de gang, la première fois que je faisais à nouveau confiance à un homme depuis mon ex fiancée, ma toute première intimité avec un homme... tout ça pour finir sur un deuxième meurtre et une énième humiliation. Moi qui me battait corps et âme pour ne plus jamais me laisser faire descendre par un homme après que mon père et mon ex m'ait rejetée, j'avais accepté de laisser à Daryl carte blanche pour réitérer l'expérience.

Maintenant quoi? La belle et douce jeune fille de famille réputée a sombré dans les ténèbres et les plus gros péchés de la terre, pour se rendre compte qu'il ne lui reste que son frère et rien d'autre à quoi s'accrocher. Mais Jérémy est encore un enfant, et je ne peux pas compter sur lui pour m'aider ou me relever. Pas encore, c'est mon rôle de grande soeur de m'occuper de lui et de lui guider vers le bon chemin. Mais comment, lorsqu'on a suivi celui qu'il ne fallait pas? Comment appliquer l'éducation que mes parents m'avaient enseignée, quand je n'ai moi même pas été capable de la suivre?

J'étais devenue celle dont on se moquait autrefois, lors des repas de famille. Je me souviens de cet instant : nous étions réunis à une table, et mon père parlait des derniers potins de la classe inférieure, ses employés, les enfants de ces derniers, et j'en passe. "Il m'a supplié de ne pas le virer car sa fille venait de tomber enceinte et qu'il aurait besoin d'argent pour s'en occuper. Voyez-vous ça, tomber enceinte à seize ans... Vous savez où l'enfant a été conçu? A l'arrière d'une voiture en sortie de boite de nuit. Et il était là à mendier pour sauver sa débauchée de fille... Quelle honte pour sa famille... Quelle ironie pour des parents qui vont à l'église et qui s'engagent au maintien de la virginité avant le mariage...", racontait mon père.

Je connaissais cet employé de mon père, un homme honorable et qui faisait de son mieux pour nourrir sa famille et élever ses deux enfants. Etant donné que je devais reprendre la société florissante de mon père, j'étais amenée à collaborer avec la plupart des employés. Cependant, je rigolais moi aussi à ce que mon père voulait bien nous raconter sur ces autres familles modestes. Une partie de moi avait beaucoup de peine pour cet homme et trouvait que se moquer était mal. Nous avions le même type de scandale dans notre communauté privilégiée, mais nous étions juste beaucoup plus doués pour camoufler nos problèmes de la vue des autres amateurs de potins. Dans cette course à "qui fait le plus bonne figure", j'étais bien décidée à prouver à mon père que j'étais capable de maintenir l'équilibre dans cette famille de très bonne réputation, malgré mon frère qui semblait être prêt à tout pour afficher sa rébellion.

Is it love ? Daryl - Tome 1&2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant