Texte n°604

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Prologue :

Le temps n'a pas de sens pour lui. L'écoulement de la vie et des grains dans le sablier n'existe pas. Ce sont de concepts qu'il ignore.

Il est, c'est tout. Il attend. Les deux sont intrinsèquement liés, si bien qu'il ne peut plus les différencier. Il a été créé avec cet unique horizon pour existence.

A vrai dire, il y a beaucoup de choses qu'il ne sait pas. Au bout d'un moment cependant, malgré ses sens presqu'inexistants, il a fini par percevoir les autres consciences autours de lui.

Il a compris qu'il n'était pas tout seul. Puisqu'il y en avait d'autres, il n'était pas tout. Il existait des corps étrangers à lui, il y avait des choses au-delà de son horizon.

Ces existences étrangères n'étaient pas immuables et immobiles comme lui. Elles apparaissaient et disparaissaient. Venaient et repartaient. Il finit par comprendre ce qu'étaient le temps et le mouvement.

Il en fut très curieux.

Du moins, cette sensation de vide et d'appétit semblait l'équivalent d'une curiosité humaine.

Comme il était ce qui se rapproche le plus de l'omnipotence, il voulut devenir une de ces consciences.

Il essaya une fois. Il mourut aussitôt.

Il essaya une deuxième fois. Il abandonna avant d'arriver dans la vie, sentant venir une répétition certaine de sa première expérience.

Il essaya une troisième fois. Il les connaissait plus, à présent, ces consciences, surtout son hôte. Il se fit tout petit.

Il réussit à s'incarner.



Chapitre 1 : Sorcière perdue quelque part dans sa tête avec un imbécile emplumé



Je nage. Ou du moins, ce sont les sensations dit-on, que l'on ressent en eau profonde, dans les abysses où la lumière s'est perdue.

Tous les sens paraissent engourdis.

On n'entend plus, on ne sent plus. On est dans un noir étrange et vague.

Rien n'existe. Tout comme on ne pourrait ne pas exister.

Alors j'attends.

Je devine les battements de mes deux cœurs, j'imagine l'air qui passe en sifflant par ma trachée.

Et je réfléchis. Je tente de comprendre comment, moi, de haut de mes quatre-vingt-dix-huit années d'expérience, j'ai pu me faire avoir à ce point. Car je n'ai aucun doute sur le fait que j'ai été drogué. Je peux même préciser, en vue de l'impression douceâtre qui alourdit mon esprit et des reflets rosés de l'obscurité, que je me suis fait avoir à l'essence de magnolia.

Et qu'ils ne m'ont pas ratée.

César vient à mon aide. Son hululement mental me parait lointain, ma fidèle chouette a dû recevoir sa dose, elle aussi.

— Va ma maîtresse bien ? me demande sa voix dans ma tête.

— Je suis sous essence de magnolia, cervelle de mouche bossue ! Que veux-tu que je te réponde... je crie dans son pauvre crâne d'oiseau stupide, trop contente de manifester ma présence.

— Sait Maîtresse comment sommes arrivés là nous ? commence-t-il à se plaindre.

Sa syntaxe laisse toujours autant à désirer, mais ce n'est pas le moment de la corriger.

— Ferme ton bec, César, surtout pour raconter des inepties pareilles. Il faut que je me concentre.

— Peut César aider, Ô Grande Maîtresse ?

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