Les Chroniques du Confinements

Est-ce si dramatique, d'être cynique?

13H57

Heure du crime. Je cherchais une remarque limite à faire sur l'avenir inexistant de notre espèce afin de me faire renvoyer de table et pouvoir retourner, comme tout un chacun, agoniser sur mes Lectures Linéaires, quand la sentence est tombée. Ma mère m'a regardé droit dans les yeux, un air d'affliction sur le visage, la lèvre tremblante, et a murmuré douloureusement : « tu as 16 ans... Et tu es déjà cynique ? »

Alors, le cynisme - par définition - c'est s'opposer effrontément aux principes moraux et à l'opinion commune. Le mot lui-même vient du mot grec cyno - chien, attribuant donc "implicitement" au cynique un comportement de chien ; brutal et provocateur.

Dans notre cynisme contemporain, on retrouve bien généralement une volonté de mettre à nu la vérité, et ce à tout prix. Cependant, je ne crois pas que ce soit si rare que ça, d'exprimer son indignation de façon virulente. C'est même plutôt commun, et pas que chez les vieilles personnes à qui on attribue si généreusement ce trait de caractère. Se plaindre violemment, s'opposer aux règles fixées, en montrer les limites et les injustices, je crois que tout le monde l'a déjà fait. Et si je ne me trompe pas, on a même un mouvement littéraire dédié à ça, les Lumières.

Être cynique donc, c'est se révolter contre des choses inadmissibles – ou non –, s'affirmer, renverser les codes. Dans ce but, il n'est pas rare que le cynisme soit lié à l'humour, à l'ironie, au sarcasme, voire à la condescendance... lui donnant de suite un aspect bien plus amusant.

Et que celui qui n'a jamais ri à une remarque cinglante et méprisante sur la folie de notre monde me jette la première pierre. Car faire un peu de cynisme, ça éclaire une journée.

Pourtant, de façon assez malheureuse je vous l'accorde, le cynisme n'est pas non plus la solution à tout.

Si le cynisme peut être un moteur du progrès, il mène aussi à la stagnation. Oscar Wilde disait d'ailleurs à ce sujet : « Si délicieux que soit le cynisme du point de vue intellectuel, il ne pourra jamais être plus que la parfaite philosophie d'un homme sans âme. »

En effet, on voit comment finissent les plus grands cyniques, quand ils s'enferment dans leurs rôles : Dom Juan... la mort, Julien Sorel, la mort, la Marquise de Merteuil, la mort, le vicomte de Valmont... la mort, aussi.

Je ne peux pas vraiment être plus explicite, si être cynique est un soulagement, remettre en question ce qui se passe en permanence devient très vite malsain. Définir que rien ne vaut la peine d'être vécu sous prétexte que rien n'est réel, s'obséder à dire que tout est faux est clairement suicidaire.

De façon plus extrême, le cynisme peut rapidement mener à l'annihilation complète de l'espoir chez l'individu, ce qui n'est pas non plus forcément un résultat attrayant. Un pessimisme constant est très rapidement oppressant et inutile.

Et si utiliser des personnages littéraires n'est pas un exemple suffisant, alors n'hésitez pas à mettre plus de climatosceptiques au pouvoir. En ce qui me concerne, j'ai personnellement hâte de voir notre monde s'effondrer.

Alors être cynique, est-ce si dramatique ?

Non d'après Musso, pour qui c'est un des moyens de survie à notre monde, trop brutal et dangereux pour les rêveurs et les idéalistes. Nietzche quant à lui fait dans la nuance : le cynisme serait la seul forme sous laquelle les âmes basses approcherait au mieux la sincérité. Pour Barack Obama et ma mère, le cynisme c'est choisir de s'opposer à l'espoir.

Toutefois avec le confinement, il me semble que notre tendance plutôt naturelle au cynisme s'en trouve grandement renforcée.

La plupart essaye de rire de ce qu'il nous arrive, en se moquant ouvertement et violemment de notre gouvernement qui ne prend pas assez de mesures ou qui – quand il en prend – sont jugées insuffisantes, apportant alors à chacun de nous un peu de cet individualisme égocentrique, qui nous permet de rester enfermé jusqu'à nouvel ordre avec toute cette belle et joyeuse famille - qu'on prenait déjà tant plaisir à voir 2 heures matin et soir-.

Les plus stupides -pardon- les plus cyniques, essaient, dans leur manque de confiance envers le gouvernement, de se persuader et les autres avec, que les théories du complot sont à la source de ce cataclysme. Après tout, leur source d'information, c'est leur oncle au gouvernement ou leur mère chez Enedis !

Dans le fond, une pandémie ne peut pas être plus dangereuse qu'un attentat et c'est armé de cette logique imparable que se faire la bise devient un acte symbolique pour lutter contre ce virus, lequel, bien entendu avait attendu vendredi minuit la fermeture des bars et samedi 12h le début du confinement pour commencer à contaminer les gens. Quel grand homme, ce virus.

Alors le constat est plutôt simple, je crois : le cynisme, c'est bien, mais comme pour tout, avec modération, surtout en ces temps très joyeux. Être cynique n'est pas un crime contre la nation, c'est simplement la remettre en question et essayer de ne pas tomber dans les extrêmes. Mais encore une fois, c'est un constat assez général.

En bref, le cynisme, c'est un peu comme l'alliance anti-inflammatoires et Corona Virus, sur le moment ça soulage, mais au long terme, ça peut devenir dangereux.