Le voyageur intérimaire

Le voyageur intérimaire 1

C'est la fin.

« La vie est tellement formidable ! J'en aurais bien repris une petite tranche, nom d'un moteur à vapeur qui démarre au huitième de tour ! Mort avant même d'avoir pu atteindre le sommet de mes divers arts... une tragédie pour les civilisations connues et inconnues du monde entier de voir un tel potentiel ainsi avorté ! »

Dernières pensées du semi-nain aux multiples talents, l'injustement méconnu Gobligedou Celui-qui-fait-rêver-les-éveillés voyant ainsi prématurément s'éteindre sa vie.

— Je suis fait comme un rat : tu m'as bien eu. Bravo ma semi-sœur : j'ai voulu me jouer de toi, mais tu l'as bien mieux fait que moi ! Tes pouvoirs de mentalistes sont extraordinaires. J'irais dire bonjour à papa de ta part ! lança le semi-nain avec tout le panache de sa voix aiguë.

— Gobli', mon folichon petit caneton en sucre d'orge des îles de la Lune Cachée, tu sais bien que je ne vais pas pouvoir te laisser faire, répliqua télépathiquement Solveg, une jeune humaine d'une rare beauté, plus connue sous le nom de Mangeuse d'âme.

— Bien sûr ma douce huile de moteur hydraulique ! dit avec suavité le semi-nain.

— Père a besoin d'un véritable successeur, et je ne compte pas Lui laisser d'autre choix que moi. Malheureusement pour toi, tu as réussi à découvrir que je veux sa place : me crois-tu folle au point de te laisser l'avertir de mes projets dans l'Eternel Repos ? Je te rassure, ta curiosité maladive et tes manipulations de bas étages ne te valent pas ton sort : tôt ou tard, je devais me délecter de ta force vitale. J'ai besoin de toutes les forces que Père a laissé dans ce monde ! finit Solveg.

— Pitié ma douce colombe mécanique à longues jambes ! Grâce, au nom de mon amour sincère et indéfectible, comme le piston principal de ma pince hydraulique ATK2000+ ! Pose ce couteau maudit et je te servirai sans condition ! Et tu pourras toujours accomplir ta volonté sur moi après avoir tué les autres, supplia Gobligedou.

Mais en voyant le sourire et le regard meurtrier de Solveg, il s'écria :

— Au secours ! Quelqu'un ! A l'aide ! Nooooon !

Dans un plaisir vicieux visible sur le moindre trait de son visage, l'humaine répondit en abattant le kriss sacrificiel sur son infortunée victime dont les traits trahissaient visiblement une terreur profonde. Le poignard serpentin plongea dans le corps du semi-nain et heurta l'autel du Soleil Noir dans un tintement étincelant.

— Hého, la pinbêche vaniteuse ! Tu cherches quoi ? De telles fuites à ton âge : rhô ! Tu caches ton jeu à force de dévorer des âmes, mais attention, l'incontinence guette : tu devrais consulter un apothicaire compétent ! Et toc l'antiquité humaine ! répéta en boucle trois fois Gobligedou avant que son corps ne se dissipe.

La mentaliste anéantie par son incapacité à avoir vu le coup venir, sous le choc d'une insulte aussi infantile que blessante, finit par retrouver ses esprits :

— Quoi ? Où est passé mon vil frère ? Quelle est cette image illusoire qui m'a ainsi abusée ? Tu es le pire des fils de Père, semi portion d'avorton ! Seul toi peux être aussi trompeur et fou que Lui ! Raaahaa !

Fendant l'air de son kriss à travers la pièce, Solveg finit par avoir le souffle court, son visage semblant vieillir à vue d'œil.

— Tu as osé m'insulter sans honte et maintenant tu observes ton œuvre depuis les ténèbres ? Je vais te faire souffrir mille tourments Gobli' ! Reviens pourceau de bâtard ! De toute façon, je te retrouverais : ton sang te trahira ! Tu n'auras nul endroit où te cacher ! Haaaaaaaaaaaa !

***

[Notes du narrateur]

Pardonnez l'usage nécessaire de la version courte du surnom de Gobligedou. Certes, d'un point de vue semi-nanesque, cela est parfaitement infâmant, insultant : ne dites jamais réducteur sous peine de... ARG !

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Pays mystérieux des isolationnistes semi-nains, constitué d'îles-volcans encore actifs et réputé inhabitables.