Triste accident

26 5 2
                                    

Je roule le plus vite possible, de sorte à atteindre la merveilleuse sensation grisante qu'est la poussée de la vitesse et du vent dans le dos du motard.
Je ne me souviens plus de rien, à part de l'odeur délicieusement âcre du whisky. Je ne sais pas où je vais, ni quelle heure il est. Il fait juste nuit. Histoire de rendre ma petite balade en moto plus excitante, je commence à slalomer entre les voitures. Je vais de plus en plus vite. Je fais des roues arrières, et bien sûr je n'ai pas de casque. Ça ne serait pas drôle sans danger !... Le compteur de ma moto explose, bien au dessus de la barre des 200 km/h. Il faut que j'atteigne les 300 km/h... Je vois un énorme camion de chantier rouler dans ma direction, en klaxonnant comme un fou. Puis, à la dernière seconde, il s'écarte, le chauffeur me noyant d'insultes. Je ne fais pas attention à lui. 267 km/h. 279 km/h. 290 km/h, j'y suis presque ! Mais au moment où le compteur passe la barre des 305 km/h, je vois une voiture arriver près de moi.

Beaucoup trop près.

Je me retrouve sur le par-choc d'une voiture de sport, brisé en mille morceaux sous la force de l'impact. Je sens les morceaux de verre me rentrer dans la peau, si coupants... Et aussi dans les jambes... Ah, cette douleur !... Je tente d'esquisser un geste des jambes, mais mes muscles ne répondent plus. J'essaye alors de tourner la tête en direction de l'endroit d'où j'ai été projeté, mais cela ne m'arrache qu'un puissant hurlement de douleur. J'ai tellement mal que j'aurais préféré mourir au lieu de ressentir cette atroce douleur. Puis, accueillant ça comme une bénédiction, je sens que ma tête commence à tourner, puis je m'évanouis d'un seul coup.

"-Monsieur Nara ? Ah, ça y est, vous êtes réveillé.

La voix qui vient de me réveiller est celle d'une charmante vieille infirmière, qui doit avoir la soixantaine. Je suis aveuglé pendant quelques instants par les néons de ma chambre, déboussolé.

-Mmh ?je grogne. Ça fait combien de temps que je suis ici ?

-Cela fait un jour que vous êtes ici. Vous avez eu un accident, hier.

-Je sais, merci. 

Je tente de me tourner un peu sur le côté, mais mon corps ne répond pas.

-C'est quoi ce bordel ?...

-Je ne pensais pas avoir à vous l'annoncer moi-même en de telles conditions, mais...

-Mais vous allez me le dire. Je sais encaisser, vous savez.

-Même si je vous disais que vous serez paralysé à vie, sans aucun traitement possible remédiant à cela ? "

La nouvelle me fait un tel choc que je ne peux plus rien dire. Je me contente de fixer le plafond. J'aurais voulu au moins me lever une dernière fois pour donner un grand coup dans le mur, soit avec le poing, soit avec la tête. Mais malheureusement, même ma tête est paralysée.

"-Je suis désolé de vous l'apprendre comme cela. Nous avons déjà contacté votre sœur, elle arrivera d'une minute à l'autre.

-Comment se fait-il, que... ma tête soit paralysée, et pas ma bouche ni mes yeux?

-C'est un mystère même pour moi, je dois vous l'avouer."

Sur ce, l'infirmière part, laissant entrer ma sœur, qui je pense attendait sur le palier de la porte.

"-Salut, grand frère, elle me dit, une expression triste affichée sur son visage. Je suis arrivée aussi vite que j'ai pu. 

-C'est pas grave. L'important, c'est que tu sois venu.

-J'ai parlé à maman, mais elle ne peux pas venir aujourd'hui. Elle viendra demain dès qu'elle le pourra, vers dix heures du matin.
-D'accord. Merci, Lina.
-Sinon, comment tu te sens ? Les médecins disent que c'est déjà un miracle que tu sois en vie. Ça n'a pas dû être facile d'avaler la nouvelle que tu seras sans aucun doute...paralysé à vie.
-Je vais bien, parce que je t'ai à mes côtés. Et maman sera là demain, donc tout va pour le mieux. C'est dommage que papa ne soit pas là pour nous voir aujourd'hui.
-Kenneth, je te rappelle que papa a trompé maman pour une stripteaseuse à la con !
Je la regarde, les yeux plissés, surpris par cet emportement soudain.
-Désolée, elle me dit, mal à l'aise. Mais je n'arrive toujours pas à y digérer.
-Ce n'est pas grave, je lui dis, en essayant d'esquisser un sourire douloureux. Je crois qu'il faut que tu t'en ailles, maintenant. Il ne faut pas que ton mec, Joe je crois, t'attende...
-Ouais, c'est sûr que c'est le mec parfait. Bon, j'y vais, on se revoit quand tu voudras.
-Merci. Rentre bien ! "
Quand elle sort de la chambre, je vois par la porte entrouverte qu'un vieillard aux cheveux d'un blanc étincelant et aux vieux habits recousus m'observe, assis dans un fauteuil, puis il détourne la tête.
Sûrement encore un pauvre SDF qui essaye de trouver une place où se réchauffer.

Kanada NekaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant