Les sorcières

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Au panthéon du cinéma, les sorcières ne manquent pas au point s'être transformées en emblème de la femme forte, intelligente et déterminée. Mieux encore, elle est féministe. Si le mot "sorcière" ne vous fait pas frissonner et qu'il provoque au contraire chez vous de l'admiration c'est que devant votre télévision vous aviez sous doute été ensorcelés par les soeurs Halliwell, Samantha ou encore Hermione Granger.

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En 2018, la plateforme Netflix dépoussière Sabrina, autre fois star des années 90 pour son film, son sit com et son dessin animé. Mais en réalité Sabrina est une boomeuse. Elle nait en 1962 dans le comics Archie's Mad House avant d'avoir finalement sa propre série en 1970. Depuis, cette date, nous comptons onze adaptations télévisées dont cinq en show time. La dernière version, celle de Netflix (évidement) a su se distinguer des autres par sa touche plus sombre faisant de Sabrina un personnage beaucoup plus mature. Cette série a d'ailleurs annoncé une rupture dans l'histoire de Sabrina l'apprentie sorcière par le fait que la protagoniste est plus à même de contrôler ses pouvoirs en plus d'avoir pleinement conscience de sa puissance. Exit la sorcière nunuche et étourdie de ses débuts. C'est un reboot réussi à contrario de Charmed qui s'est littéralement fait lynché avant sa sortie. Malgré tout, ces reboot sont en accord avec leur temps. Depuis l'affaire Weinstein, la sorcière a à présent des convictions politiques affirmées. #Metoo est sa nouvelle potion magique. De ce fait, il est nécessaire de connaître le parcours de  la sorcière dans le cinéma pour comprendre toute sa symbolique actuelle. Pour commencer, quelques précisions sont à faire pour éviter les confusions. Afin de ne pas s'éparpiller, ma réflexion aura pour périmètre l'occident. D'ailleurs, le cinéma s'inspire en très grande partie de la sorcière occidentale. Equipez vous donc de votre chapeau, de votre balais et d'une tasse de café car le voyage vers les abimes de l'histoire risque d'être long.

La sorcière est un être mystique qui évolue au fil du temps. Il ne s'agit pas par là de dire qu'on l'a regarde différemment. Elle est différente. Dans l'Antiquité, la sorcellerie ou plus particulièrement, la pratique de la divination était de coutume. Les sanctuaires de divination sont couramment érigés  car ils sont des lieux de conseils. Cependant, on condamne la magie pratiquée à de mauvaises fins. La magie noire est à l'origine des conspirations. Elle peut donc être dangereuse pour le règne du monarque et doit être condamnée. D'ailleurs, la magie noire est souvent associée aux religions étrangères, aux barbares. De ce fait, les magiciennes (sorcières) sont très souvent issues de contrées lointaines parfois très peu accessible aux hommes voire hostiles à la civilisation. Nous en avons l'exemple avec Médée, la petite fille du soleil (Hélios) et princesse de Colchide, une terre non grecque. La Médée de Pier Paolo Pasolini appartient à un peuple sauvage et cruel ayant un rapport au sacré plus ou moins primitif comme la pratique des sacrifices humains. Alors que dans la plus part des tragédies Médée est réduite à son hybris, à sa colère de femme délaissée, le réalisateur marxiste italien à une toute autre approche du mythe. Le miracle italien a fait de l'Italie une société aliénée par la consommation. Il s'agit donc pour Pasolini de concentrer son oeuvre vers l'Orient où le sacré reste encore ancré comme nous le montre une scène de sacrifice humain  dédié au soleil, symbole de la régénération du monde. Le mutisme de la cérémonie qui accompagne les gestes rituelistes des habitants est signe d'une connaissance instinctive de comment honorer la nature. Ce qui n'est pas le cas des corinthiens, peuples modernes représentant l'occident où la notion de renouvellement est vidée de son essence car ce qui en découle est éternellement médiocre. Le meurtre des fils de Médée et de Jason n'est alors plus uniquement perçu comme un acte de désespoir ou de vengeance aveugle mais constitue un retours aux valeurs archaïques dans une culture orpheline de toute spiritualité. Médée est une puissante déesse tout comme Circé ou Hécate mais qui au fil du temps, pour des motifs idéologiques, ont prit la forme de sorcières telles qu'on les connait c'est-à-dire des femmes pratiquant des maléfices au nom du diable.

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