Le paysage défilait à vitesse moyenne et régulière tandis qu'une douce musique acoustique résonnait dans l'habitacle, berçant le jeune garçon assis à l'arrière. Son coude posé sur l'accoudoir de la portière, le menton confortablement installé dans la paume de sa main, il fixait inlassablement le décor qu'il avait vu radicalement changer. Les hauts immeubles et les centres commerciaux s'étaient peu à peu transformés en collines verdoyantes. Dorénavant, il ne voyait plus que des champs. De temps à autre, une irrégularité de la route secouait le véhicule, provoquant un choc entre sa mâchoire et sa main, plus honteux que douloureux. Par pur réflexe, il regardait furtivement le visage de sa mère dans le rétroviseur pour s'assurer qu'elle ne se moquait pas : son regard vide restait définitivement ancré sur la route, ses mains crispées tapotant nerveusement le volant. Au final, il aurait préféré la voir rire de lui. Les mélodies dans la voiture défilaient lentement, aussi lentement que les secondes. Peu importait le nombre de fois qu'il consultait son téléphone, il avait l'impression que le temps n'avançait pas, que les minutes étaient figées, qu'elles recommençaient, qu'elles se foutaient de lui. Les fourmis dans ses mollets le torturaient, et les étirer de temps à autre n'y changeait rien. Il lâcha un soupir discret avant de se concentrer sur la musique. Sa mère n'avait pas de mauvais goûts, après tout. Tout était berceuse et balade, sûrement de quoi calmer son esprit. Le jeune garçon en refusa pourtant une, les poils des bras hérissés.
— Maman, change, s'il te plaît. Sa voix rauque le surprit, quoiqu'elle fût normale après tant d'heures silencieuses. Mais la mélodie était toujours là. La femme aux rides naissantes le fixait à travers le rétroviseur, attendant visiblement une réponse.
— C'est la sienne.
Les notes disparurent aussitôt. La place du passager était vide. Les deux sièges arrières restants aussi. Seuls deux corps proches et pourtant si éloignés occupaient l'habitacle froid. Sachant qu'ils ne tarderaient plus à arriver, le jeune garçon entreprit de défaire son fin chignon bas détruit par le sommeil contre l'appui-tête, et, s'aidant de son reflet dans la vitre, arrangea au mieux ses mèches en une nouvelle boule brune. Au travers du pare-brise se dessinait un petit village et après une énième chanson, la voiture y était. Les habitants, interloqués, se retournaient pour observer les étrangers, certains amusés, craintifs, et d'autres tout sauf ravis. Le garçon se recroquevilla légèrement, soudainement peu enjoué à l'idée d'emménager ici. Il se demandait même pourquoi sa mère avait choisi cet endroit : dans un si petit village, qui pourrait-elle bien embaumer ? Son inquiétude vis-à-vis de l'accueil qu'on leur réservait se dissipa légèrement lorsque leur nouvelle demeure apparut à l'écart des habitations.
Bâtisse à un étage, elle ne payait pas de mine vue de l'extérieur : des briques sales, des volets et une porte en bois d'ébène abîmés, un toit en tuiles rouges couvert de suie autour de la cheminée. Autour, des kilomètres de forêt à perte de vue. Les yeux de péridot du garçon s'emplirent d'appréhension. Sa mère arrêta le véhicule sur la petite allée de gravier, assez proche de la maison pour décharger sans trop d'efforts. Il descendit et entreprit de descendre quelques valises du coffre tandis que la femme obtenait la clé de la part du propriétaire. Le jeune homme ne souffla qu'un vague bonjour à son intention, se dépêcha d'aller poser les bagages dans l'entrée et pour aller faire un tour des lieux. La demeure était on ne peut plus basique : l'entrée débouchait dans un salon-cuisine-salle à manger assez mal organisé. À droite, une table et quatre chaises, plus loin, la cuisine-bar. En face contre le mur, un vaisselier et à gauche, un espace canapés et bibliothèque. Derrière les fauteuils se trouvait une porte menant vers la chambre parentale. Tout était fait de bois, les meubles, le sol, les murs, un vieux bois qui craquait à chaque mouvement. Le garçon embarqua son sac et sa valise pour grimper l'escalier à côté de la table, contre le mur. Assez raide, il dut s'y prendre méthodiquement pour arriver à l'étage sans tomber ou abandonner un bagage en cours de route, si bien qu'il les jeta sur le sol proche pour finir son ascension sans encombre. Essoufflé, il observa la mezzanine (qui était plus un carré de planches qu'une pièce à part entière). Elle possédait deux portes : l'une menait vers une minuscule salle de bain, l'autre vers sa nouvelle petite chambre. C'est cette dernière qui l'intéressait : lorsqu'on y entrait, on butait directement sur le bout du lit. La pièce étant rectangulaire et positionnée en longueur, il fallait enjamber le meuble pour trouver un pan de sol moyennement long. À côté de la tête du lit, une armoire contre le mur et de l'autre côté, un bureau. Le garçon s'assit sur le lit, valise posée, et observa. Directement en face de lui se trouvait une fenêtre en vieux bois de chêne. Elle laissait apparaître quelques petites taches de moisissure mais elle offrait toutefois une vue imprenable sur la forêt : constituée de sapins légèrement couverts de neige, elle laissait un épais brouillard l'entourer, mystérieux, attirant. Quelque chose l'attirait avec force.
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Respire(r)
Ficción GeneralInspirer. Expirer. Les brindilles craquent sous ses pieds nus et terreux. L'air froid qui rentre et qui brûle la trachée. Un contact léger du bout des doigts qui l'emmène au bout du monde. Le souffle qui s'échappe en un nuage blanc. Isaac voulait co...