J'étais maintenant assise sur cette banquette depuis plus de 4 heures. Ma seule distraction consistait en le fait de fixer inlassablement la petite flèche indiquant la position du véhicule sur le GPS. Apparemment, nous étions aux environs de Tropea. Je n'avais aucune idée d'où pouvait se situer cette ville mais s'il y avait bien une chose de certaine, c'était que Naples devait être à plusieurs centaines de kilomètres. Chaque minute qui passait m'éloignait un peu plus de mon ancienne vie, celle qui n'appartenait qu'à moi et j'étais complètement impuissante.
Valbonessi ne m'avait pas porté attention une seule fois depuis que nous avions dépassé le portail du manoir. Il ne cessait de pianoter sur son téléphone et le son qu'émettait le clavier commençait à me rendre dingue. Si je n'avais aucun intérêt à ses yeux, pourquoi m'emmenait-il à l'autre bout du pays ? Il n'avait qu'à me jeter au bord de la route et tout le monde aurait été content.
À cause de mon agitation, ma jambe ne cessait de tressauter. Je sentais grandir en moi une boule de frustration qui m'envahissait de plus en plus. J'avais envie de lui arracher son foutu smartphone et de le jeter par la fenêtre. Ou peut-être que c'est moi qui devrais jeter par la fenêtre, encore aurait-il fallu que je puisse l'ouvrir.
Le comportement du chauffeur, un vieil homme au crâne dégarnis, n'arrangeait rien à mon énervement. Il évitait consciencieusement chacune de mes œillades. Peut-être avait-il peur de ce qu'il pourrait y lire. Quoiqu'il en soit, il n'avait pas l'air plus perturbé d'être complice de mon enlèvement. J'en viendrais presque à me demander si c'est normal pour eux d'arracher des femmes à leur vie pour les vendre ou les acheter. Ils ne semblaient avoir aucun respect pour l'être humain et c'est d'ailleurs ce qui m'empêchait de tenter quelque chose pour le moment. Je n'avais pas oublié la menace que Valbonessi avait proférer contre ma personne...
La voiture quitta la route pour s'engager dans un petit chemin privé. Les secousses me firent relever la tête et j'observai la forêt sombre défiler à ma fenêtre. Les grands pins squelettiques qui se dressaient dans la nuit faisaient barrage à la clarté lunaire, créant une ambiance alarmante. Cela faisait maintenant plus d'une demi-heure que nous n'avions plus croisé aucun véhicule et des scénarios tous plus sombres les uns que les autres prirent inéluctablement possession de mes pensées. Malheureusement, aucun ne finissait bien pour moi. J'étais prête à parier que personne ne passait jamais par ce sentier. Ils pourraient me tuer tranquillement sans craindre la présence d'un témoin et je pourrirais au milieu des feuilles mortes avant de disparaître dans l'anonymat le plus total.
Emporté par le flot de mes songes, mon cœur se mit à battre de plus en plus fort et l'habitacle de la berline me rendit claustrophobe. Il fallait absolument que je sorte d'ici, et vite car il était hors de question que je meurs ce soir.
Uniquement guidée par mon instinct, je me jetai sur le volant de la voiture et ni Zed, ni le chauffeur, n'eurent le temps de réagir quand je braquai les roues vers la droite.
Je ne pus nier à quel point il était grisant d'avoir le contrôle en cet instant, j'avais l'impression de maîtriser la situation.
Enfin... Tout était relatif car la voiture, qui avait désormais quitté le petit chemin de terre, se dirigeait droit vers un immense pin. Mon geste était de la pure folie et je le réalisai seulement quand je vis la vitesse à laquelle nous roulions mais il était déjà trop tard. Lorsque la voiture s'encastra dans le tronc, je fus propulsée en direction du pare-brise et seuls les sièges m'empêchèrent de passer au travers.
La collision avait été beaucoup plus violente que ce que je m'étais imaginé et un silence de mort régnait maintenant dans l'habitacle. Mes oreilles sifflaient et ma vue était trouble. Je remarquai qu'il y avait beaucoup de sang sur le tableau de bord mais la majorité ne semblait pas m'appartenir puisque mes blessures avaient l'air, étonnamment, très superficielles.
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Sedici
حركة (أكشن)Scampia, Naples, Italie. Ce quartier était toute mon existence, ses murs de béton, ma maison et ses habitants, ma seule famille. La Camorra n'avait pas le droit de m'arracher à tout ce que j'avais pour me vendre comme un putain d'objet. Mais là n'ét...