Paparazzis

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Une vibration me sort de ma torpeur. Je suis épuisée, je voudrais dormir encore un peu. Je me rendors. Je suis bien là.

Une seconde vibration me réveille complètement. Un flash me traverse. Ce n'est surtout pas le moment de rêvasser. Je me suis promis de partir d'ici avant de me faire jeter.

L'homme à mes côtés bouge. Il me relâche et je le sens se tourner de l'autre côté. C'est ma chance.

Une troisième vibration résonne. Une main lourde s'abat sur le pauvre appareil.

— C'est bon, je suis réveillé, murmure l'homme avec qui j'ai partagé la nuit, en déverrouillant son portable. J'écoute, soupire-t-il d'une voix lasse.

La personne à l'autre bout du fil explique rapidement quelques trucs. Je ne comprends rien.

— Tu es sur ? Ça ne peut pas attendre ? demande mon patron s'asseyant sur le bord du lit.

Je me faufile en dehors du lit. Quitte à ne pas pouvoir fuir lâchement, autant prendre une bonne douche. Je vais en avoir besoin.

— Très bien, murmure l'homme d'une voix résignée. Non laisse-moi le temps de déjeuner au moins. C'est çà. À toute à l'heure.

Il repose le téléphone. Je suis déjà sous la douche. Même une chose aussi simple que de partir à l'aube, je n'ai pas réussi. Je ne traine pas. Je dois me dépêcher. Je n'ai pas de vêtement de rechange, je dois absolument faire un saut chez moi avant de commencer mon travail.

Il est hors de question que quelqu'un dans la boite s'aperçoive que j'ai dormi ici. Lorsque je sors, il est de nouveau au téléphone. Sur son visage contrarié, je découvre une expression féroce que je ne lui connais pas. Il est impressionnant. En me voyant, il met en pause son appel. Son visage se radoucit aussitôt.

— Tu ne restes pas ? Je résous un léger souci et je te prépare le petit-déjeuner.

— Je n'ai pas d'habits propres, bégayè-je. Je dois passer chez moi.

Je le vois déglutir. Il acquiesce doucement avant de reprendre son appel. Je quitte l'appartement, priant pour ne rencontrer personne. Certains d'entre nous sont matinaux. L'ascenseur se referme derrière moi. J'ai honte. Je ne sais même pas ce que je dois faire maintenant.

— N'espère pas, me lance une petite voix dans mon subconscient. C'est fini.

Je lance un regard apeuré dans le parking sous terrain, vérifiant de ne voir personne puis je me faufile entre les voitures.

L'allée retour est très rapide. J'habite à deux pas. Je pourrais très bien venir à pied, mais j'ai la flemme. Je me trouve la fausse bonne excuse d'avoir des journées trop longues pour me permettre de flâner.

Lorsque je remets un pied dans le bâtiment, une angoisse sourde me prend aux tripes. J'ai l'impression que tout le monde sait. Je m'attends à ce que tout le monde me pointe du doigt et se moque de moi.

— Tu vas bien ? me demande ma collègue à peine cinq minutes après être arrivée.

Celle avec qui je travaille en étroite collaboration me connait sur le bout des doigts. Nous partageons tout depuis des années. Elle sent que quelque chose ne tourne pas rond en moi. C'est frustrant je ne peux rien lui cacher. Cependant il est hors de question de partager.

— Tu as vu ma mine, lui lancè-je en pointant mes yeux. J'ai très mal dormi cette nuit. Impossible de trouver le sommeil. Je suis fatiguée.

Elle acquiesce même si je ne la convaincs pas avec mon demi-mensonge.

La matinée s'allonge comme une heure qui bouclerait sans fin. Mes remords me rongent de l'intérieur. La pause de midi arrive enfin. Nous descendons à la cantine. Une folle effervescence y règne.

La tour de verreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant