La tour de verre

Révélation

Mon réveil me sort de ma torpeur d'un bip rageur. Je le fracasse méchamment de mon poing. Je suis encore fatiguée, pourrait-il me laisser dormir ? On est si bien sous sa couette. Je ronchonne mais je me lève quand même.

Aujourd'hui est un grand jour.

Voilà plusieurs semaines que Tomas et moi sommes ensemble. J'ai cédé complètement à cet homme. Je n'y peux rien. Je suis ivre de bonheur quand nous sommes ensemble. Chaque minute est une délicieuse romance.

Nous avons déjoué les paparazzis en restant enfermés dans cette immense tour de verre. Je ne viens plus en voiture. Comme cela quand je reste, il n'est pas aisé de voir que je ne suis pas sortie.

Cependant, nous souffrons de devoir nous cacher ainsi. Il m'a donc officiellement demandé en fiançailles ce weekend. Comme une imbécile, j'ai accepté. Je regarde, heureuse, la superbe bague que je porte à mon doigt. Aujourd'hui nous sommes lundi et c'est le premier jour où je vais sortir avec, j'aurai donc des questions.

J'ai prévu de tout avouer à ma collègue en premier. Je dois aussi lui dire que je quitte mon poste. Ce sera la partie la plus dure pour moi. Mon boulot je l'apprécie. J'apprécie encore plus ma petite collègue. On a tellement ri pleurer et papoter. Elle est aujourd'hui plus une amie qu'une collègue. Mais voilà cela fait des mois que je lui mens. Cela n'est pas tolérable dans une relation amicale saine. Je ne serai pas vexée qu'elle me rejette. Je l'accepterai même si cela fait mal. Après tout je subis les conséquences de mes choix. Dans quelques jours, tous sauront que c'est moi qui jouissais devant cette fenêtre. C'est étrange mais cela ne me fait même plus rien. Je ne vois que le conte de fées qui m'attend. Avoir le droit d'être la princesse de cet homme.

Je passe plus de temps que de raison sous la douche. Ça me calme. Mon appartement est sens dessus dessous. J'ai commencé un grand tri. Il y a des cartons en cours de remplissage partout. Vivement que je transfère tout çà là-bas, je vivrai dans cette grande tour de verre. Un profond sentiment de joie m'envahit. Je vais vivre avec lui, là-haut dans les nuages.

Comme tous les matins, je prends le chemin à pieds. Je passe m'acheter un petit croissant que je dévore sur la route. Je suis heureuse. J'observe la ville, le ciel. Je me sens légère. Je suis prête à conquérir le monde.

Je suis perdue dans mes pensées et manque de renverser un homme à mon arrivée dans le bâtiment. Il se tient en plein dans mon passage et quand je manque de le bousculer, j'aperçois enfin son appareil photo.

— Vous êtes vraiment tout le temps dans la lune vous, se moque de moi l'homme que je reconnais aisément : le journaliste, enfin paparazzi qui m'avait abordé, le fameux soir.

Il jette un œil à son appareil. Je le vois chercher rapidement dans ses clichés. UN petit sourire satisfait apparait sur ses lèvres. Il me montre alors une photo.

— Vous êtes superbes, commente-t-il.

Je rougis en découvrant le cliché. Il a raison pour une fois, je me trouve belle, rayonnante même.

— Je vais faire un tabac avec cette photo, s'enthousiasme-t-il, un peu trop à mon gout.

— Mais vous n'avez pas le droit, je ne vous autorise pas, lancè-je terrorisé.

Vous allez réellement priver le monde de ce cliché ? Mais vous avez raison, je ne peux la diffuser officiellement que si vous le souhaitez. Jolie bague, montre-t-il sur la photo.

Je sais qu'il a compris. Son regard est redevenu très sérieux.

— Vous êtes plutôt bonne comédienne, m'accuse-t-il. J'ai presque failli vous croire ce soir-là. J'attends mon moment depuis tout ce temps, alors...