La vie, quel en était l'intérêt, quel en était le but ? De ce que j'avais vu, pas grand chose. Ma vie était parfaite. J'étais célèbre, j'étais capitaine de l'équipe de basket, ma petite-amie était à tomber, tout le lycée, enseignants compris, me respectait, j'avais le monde à mes pieds et mon nom de famille garantissait un avenir radieux. J'étais un cliché vivant, mais j'étais heureux.
Malheureusement, un nom de famille ne suffit pas toujours. J'avais beau être né avec tout l'argent du monde, à la loterie de la vie, la génétique n'avait pas été de mon côté. J'étais avec un cœur fragile. Au début, ça avait été passé inaperçu, j'aurais presque pu ne jamais m'en rendre compte, mais je l'avais surmené et j'avais fini ici, dans ce lit d'hôpital. J'avais besoin d'un nouveau cœur, mais je la liste de demande était grande, et l'argent de mon père ne pouvait pas tout acheter.
J'allais mourir d'ici une ou deux années. Je savais que pour une personne en bonne santé, ce genre d'information était difficile à gérer, mais je m'étais fait à l'idée. J'étais là depuis trois ans et j'avais perdu espoir il y a longtemps. Je ne sais pas si je l'avais eu un jour.
Quand j'étais arrivé, j'étais persuadé que c'était provisoire, que je serai sorti au bout d'une semaine, que je pouvais oublier l'incident et que ma vie continuerait sans accrocs. Mes amis venaient me voir tous les jours et j'étais certain que tout allait bien, mais, depuis mon entrée, je n'étais jamais ressorti.
Mes amis m'avaient abandonné depuis longtemps, je me demandais parfois s'ils se rappelaient de moi. Les seules personnes qui venaient encore étaient mon père et ma sœur, et encore. La plupart du temps, ils venaient simplement vérifier que je vivais encore. Quand mon père avait compris qu'il ne pouvait pas régler le problème avec son argent et que je ne pourrais pas poursuivre la vie qu'il attendait de moi, il avait tout fait pour que son entourage oublie mon existence. Sa réputation ne devait pas être tâchée par le "pauvre garçon coincé dans son lit d'hôpital".
Leurs visites me donnaient envie de leur balancer tout ce que j'avais autour de moi sur eux, mais j'avais perdu la motivation en même temps que l'attention de mon père. Quand il le pouvait, il envoyait ma sœur à sa place. Tabatha ne venait jamais sans son petit-ami du moment. Ils ne restaient jamais plus de deux semaines. Quand j'étais plus jeune, ça me garantissait la paix. Maintenant, c'était devenu le rappel cuisant qu'elle n'avait pas besoin d'un homme dans sa vie, surtout s'il s'agissait d'un frère à peine vivant. Le plus souvent, je recevais plus d'attention de la part de son petit-ami que de toute ma famille réunie. Je ne les appréciais pas pour autant.
Quand j'avais compris que j'allais finir ma vie ici, seul, j'avais essayé de me rapprocher des autres patients et du personnel. Malheureusement, j'avais gâché toutes mes chances à l'arrivée. J'étais tellement persuadé que je ne resterais pas que je n'avais jamais pris la peine d'être ne serait-ce qu'agréable ou poli et depuis tout le monde m'évitait comme la peste. J'en étais devenu malade au début, mais je me suis vite habitué et je suis devenu indifférent. L'homme est un animal social, m'avait-on toujours dit. Peut-être n'étais-je pas humain. Je m'occupais autrement. En général, je ne faisais que lire. J'écrivais aussi, parfois, mais j'étais loin d'être bon. J'avais même tenté de reprendre le dessin, mais je n'avais pas assez d'imagination et j'ai vite manqué de modèles et de motivation donc j'avais arrêté tout aussi vite.
Je dormais pour passer le temps. Même mes rêves avaient perdu en essence. Au début, je rêvais quasiment tous les jours de mon opération, de ma vie après avoir reçu un nouveau cœur. Désormais, ils étaient devenus tout aussi insipides que ma vie au réveil ou, pire encore, mes rêves n'étaient que des souvenirs. Je revoyais ma courte vie tourner en boucle, me laissant toujours un goût amer à la bouche au réveil.
Quand je ne dormais pas, je faisais semblant de dormir et je restais seul avec mes pensées.
Alors évidemment, quand on vit ce genre de vie, quel est l'intérêt ?
J'étais seul, désespérément seul. Pourtant, lorsque je me réveillai, je ne l'étais pas.
VOUS LISEZ
Un Sourire à la Mort
Novela JuvenilSébastien va mourir et il le sait. Il le sait depuis longtemps et guette la Mort chaque jour, chaque heure, chaque minute. Il se l'imagine, s'invente un scénario. Pourtant, quand elle arrive, rien ne se passe comme prévu. Et si un simple sourire pou...