on

80 35 6
                                    

"je m'appelle Pauline, au fait. toi?"

elle avait lâché la rampe pour revenir du côté sécuritaire du pont, à mon grand soulagement. 

" Célian."

"c'est joli comme prénom! le mien est ringard, ma grand-mère s'appelait pareil pour te dire à quel point ça fait vieillot."

elle s'était accotée contre le rebord de la grille, face à moi. ses lacets étaient détachés et trempaient dans une flaque d'eau, les brunissant. 

"je le trouve pas si mal. il te va bien."

"qu'est que t'en sais? on se connaît a peine."

"on a qu'à apprendre à se connaître."

encore une fois, je n'avais pas pu retenir les mots de sortir pour retentir dans l'écho de la nuit et frapper ses tympans fragiles. 

elle sortit une cigarette, puis un petit briquet de sa poche de veste, souriante. 

quant à moi, j'avais instinctivement baissé les yeux, le cœur battant la chamade.

son attitude nonchalante m'intriguait. il y a à peine cinq minutes, elle s'apprêtait à sauter d'un pont, et maintenant, tout ce qui lui importait était le goût qu'avait sa clope. 

" alors, qu'est ce que tu faisais ici à une heure pareille?"

la fumée qu'elle expirait de sa bouche atteignit mes poumons, me faisant toussoter, avant que je ne réponde maladroitement:

" j'habite pas loin et je n'arrivais pas à dormir. alors, je suis sorti prendre l'air... et toi?"

d'un coup, son sourire coquin disparu, laissant paraître un visage glacial de frustration.

"tu oublies vite dis donc. c'est pas comme si t'avais crié pour rien tout à l'heure."

"désolé...je suis nul avec les mots."

"les mots ont rien à voir la dedans. tu sais juste pas comment parler à une fille qui allait s'enlever la vie, c'est tout. et c'est normal."

sa réponse me frappa violemment en plein cœur, comme un poignard. c'est ce que je détestais des mots. l'impression de douleur qu'ils peuvent créer.

mais elle avait raison. 

les mots sont des mensongesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant