Je range ce livre qui traine avant qu'il ne se couvre de poussière.
Je me rappelle que tout vieillit; les pages des livres se jaunissent, les mélodies finissent par peiner à atteindre les oreilles, les mots se font moindre jusqu'à ce qu'ils cessent tout à fait. Moi-même je vieillis, et le temps pourtant s'éternise; il me nargue peut-être, de toute sa hauteur il me méprise. Et je n'ai pas la force de lui rendre ce regard. J'ai à peine la force de tourner les pages.
Sous mes doigts, elles s'effritent, ces pages. Comme moi, elles sont vouées à disparaître.
Pourtant, elles semblent atemporelles: elles semblent ne répondre à aucune règle, et quand je les caresse, je m'amuse à imaginer les lettres tout juste formées, je pense à celui qui écrit et s'affaire maladroitement, celui là-même qui prie pour que son oeuvre ne soit pas qu'esbrouffe sans saveur, que mots sans portée: mais pour qu'elle soit, justement, oeuvre singulière. Mais je ne saurais jamais si le fruit de mon imagination s'érige à travers les vestiges de la réalité, de l'Histoire derrière ce livre, ou si tout n'est que reconstitution malicieuse et impétueuse.
Après tout, ce livre ne dit rien de plus que ce qu'il enferme entre ses fines pages: il se contente d'insinuer subtilement tout le reste. Il renferme en lui les secrets silencieux, les non-dits mysérieux de son créateur. Quand ce dernier vieillit, puis s'éteint, il ne lui reste plus que son oeuvre: son témoignage qu'il croit dans son dernier souffle éternel, sans savoir qu'il finira cendres et poussière, sans savoir que les souvenirs s'effacent au gré du temps qui passe et qui raffle tout sur son passage.
VOUS LISEZ
Les Éphémères
Cerita PendekCourtes nouvelles, concis écrits, mots qui ne sauraient rester gravés dans votre mémoire tant leur effet est éphémère.