Chapitre 1 : Lynn

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"Et si je mourais, personne ne s'en soucierais ? Après tout, je ne sers à rien, personne ne me prête attention..."

Je remontais la manche de mon pull en laine et pressais la lame du cuter contre ma peau déjà fragilisée. Une goutte vermeil apparut sur l'intérieur de mon avant-bras, et je laissait ma main courir à l'aveugle sur ma peau, dans un geste que j'avais répété tant de fois que des dizaines de cicatrices parsemaient mon bras et le reste de mon corps.

Pendant un instant, un infime instant, une sensation de libération, de soulagement m'étreignit, mais s'éteignit aussitôt. Alors, je recommençais. Dès que je sortais ma lame, j'espérais ressentir à nouveau cette impression, cette alchimie qui me faisait me sentir étrangement bien.

"Mais tu n'as pas le droit d'être heureuse !"

Une larme glissa sur ma joue, et je n'essayais même pas de la retenir. Je n'avais pas pleuré depuis si longtemps... Alors si je mourais ici, j'avais bien le droit, non ? Mais comme je n'ai le droit à rien, je ne devrais pas... Je soulevais mon instrument, laissant un fin filet de sang couler sur mon bras, puis appuyais à nouveau sur une précédente cicatrice, enfonçant la lame encore plus profondément, en traçant une ligne verticale s'étalant du bas de mon poignet sur une demi-douzaine de centimètres. À nouveau, ma peau fut recouverte de sang, et je vis flou un instant, mais ce n'était pas encore assez.

Puis un bourdonnement se fit entendre, sans que je puisse en déterminer la source. Me concentrant un instant, je compris que c'était une annonce diffusée sur les hauts-parleurs du lycée. D'habitude, ils passent les annonces entre les cours ou pendant la pause... Je venais de sécher un autre cours de ma spécialité de physique, donc ça m'étonnais d'entendre un message. Alors que je tendais l'oreille pour tenter de comprendre, un bruit résonna dans tout le lycée. Un bruit qui devait provenir de l'entrée, donc de l'autre bout de l'immense bâtiment, mais qui me glaça le sang quand j'en compris la source.

"Je répète, ceci n'est pas un exercice. Veuillez vous tenir enfermés, en silence et dans le noir jusqu'à ce que le ou les intrus soient appréhendés par la police... Je répète..."

Remballant en vitesse mes affaires dans mon sac, je rabaissais ma manche sur mon poignet, dans une panique totale, et sortait des toilettes, scrutant le couloir et laissant derrière moi une fine lignée de sang. Toutes les salles étaient fermées. Je ne pouvais me cacher nulle part.

C'était un coup de feu. Un putain de coup de feu qui a résonné tout à l'heure. Et alors que tout le monde est à peu près à l'abri dans une salle, moi je suis là, face à la mort.

Je fis volte-face en entendant un bruit de course derrière moi, au bord du malaise, et m'apaisais un tout petit peu en voyant que c'était un autre lycée. Un autre lycéen paumé et totalement dans la merde. Mais, attend...

« Léandre ? »

Une luciole dans ma nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant