Un poing après l'autre...
Le cuir se déforme sous les assauts frénétiques de mes muscles.
Si ce sac de frappe était la représentation physique de mes problèmes, je crois que ça ferait bien longtemps que je l'aurais éventré...
– Spencer !
Cette exclamation me paraît lointaine. Comme si je l'entendais résonner tout au fond d'un enchevêtrement de canalisations. L'important, c'est le soulagement ressenti et la sueur accrochée à mes tempes.
– Oh ! T'es bouché ou quoi ?
Et quand on me tapote brusquement l'omoplate, je suis à deux doigts d'exploser.
– Putain, Holden... Fous-moi la paix...
Je choisis de retirer les bandes nouées autour de mes poignets plutôt que de m'en prendre à cet empêcheur de tourner en rond. Si nous avons longtemps été inséparables, son insistance et ma mauvaise humeur ont ébranlé les bases, pourtant solides, de notre amitié...
Il n'arrête pas de te le dire : tu deviens invivable !
– Écoute... Sortons boire un coup et parlons-en. On a tous notre lot de moments difficiles. C'est pas une raison pour tout foutre en l'air. Si ?
– Épargne-moi ta morale à... la con.
Après avoir nourri une poubelle avec ces lambeaux souillés, je masse les ecchymoses qui ont bourgeonné sur ma peau en grimaçant. C'est vrai, j'ai dû y aller un peu fort, mais ça m'a fait du bien... Je sens que l'indésirable va encore me sortir une remarque dont il a le secret. Autant lui couper l'herbe sous le pied directement.
– Ouais, t'as pas tort. Quelques verres ne devraient pas me faire de mal. On se retrouve au Sixth dans une heure ?
Le sourire qui étire abusivement ses lèvres est suffisant pour comprendre son état d'esprit. Me voir enfin accepter une de ses invitations le place dans une béatitude ridicule.
– Marché conclu ! Aucun doute, Spencer, tu me remercieras !
Il presse gentiment mon épaule, appuyant ce geste d'un regard soutenu.
J'acquiesce sans grande conviction, préférant juste éviter de le contrarier.
Alors qu'il prend la direction des douches, je m'assois sur un banc. Les avant-bras calés contre mes cuisses, je cherche à chasser les nombreuses idées noires qui recommencent à brailler entre les murs étroits de mon cerveau.
C'est ça, mec, ta vie est en train de partir en vrille...
D'un revers de main, j'essuie une gouttelette salée qui perle au bout de mon nez. Il ne me faut pas plus d'une seconde pour rapatrier ce sac, attraper une serviette et éponger ce visage à la moiteur désagréable. Une bonne rasade d'eau suffit à venir apaiser ma gorge en feu.
Merde, Rebecca, tu crois pas que j'ai assez souffert ?
En apercevant la lumière de mon portable au milieu de mes affaires, je désespère à l'idée de recevoir un énième coup de fil de sa part. Toutes les explications ont été dites et, avec elles, se sont greffées une flopée d'insultes.
Comme si j'avais quelque chose à voir avec ses conneries...
Cinq messages vocaux ? Si elle croit que je vais me faire chier à les écouter...
Éteindre ce téléphone ne me sauvera que temporairement. Malgré ma volonté, la tentation de l'entendre sera la plus forte.
Cette vipère ne le sait que trop bien...
« Des filles chouettes, il y en aura d'autres ! »
Si seulement c'était aussi simple. Holden, le bon père de famille et le roi des conseils foireux...
En enfouissant le maudit appareil tout au fond, je crois pouvoir oublier. Effacer cette succession de journées et de nuits difficiles. La routine pénible d'un boulot sous-payé et d'un concubinage absolument chaotique.
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Urios
RomanceLa paix a toujours été une notion abstraite... Depuis l'émergence de la race mutante, c'est toute une société qu'il a fallu remodeler. Mais cohabiter sans heurts ne demeurera qu'une vague utopie. Au final, une étincelle suffit pour que la corde d'un...