Chapitre 4

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Après la longue réunion, Jimin était allé à différentes présentations de cours et de travaux personnels avant de reprendre le chemin de retour. Il n'avait pas retenu grand-chose de cette première journée qu'il ne prenait pas vraiment au sérieux. Après tout, ce n'était qu'une série d'informations basiques, de récapitulations de règles et d'attentes. Le véritable début scolaire commencera demain. En attendant, il espérait rentrer rapidement pour pouvoir se faufiler sous ses draps. Il était exténué, il avait porté un masque souriant toute la journée : il avait tenté de forcer la positivité en lui parce qu'il voulait être heureux. Mais pour le moment, il ne voyait pas les fruits de cette longue lutte envers lui-même. Il avait décidé que cette rentrée signerait le début d'une nouvelle ère pourtant rien n'avait changé. Il était toujours le même Jimin, ce garçon pitoyable, perdu au milieu d'une centaine d'émotions. Ah, qu'est-ce que cela pouvait être fatigant d'évoluer parmi les millions de regards qui épient vos moindres mouvements ! Jimin ne pouvait pas pleurer, sinon tout le monde se mettrait à s'apitoyer sur son pauvre sort. Il ne pouvait pas non plus rire à gorge déployé, sinon on dira qu'il se remet un peu trop vite de la perte d'un proche.

Alors, pour ne plus y penser, il décide de transformer sa manière de marcher dans la rue. Au lieu de regarder la route ou le sol, il observe les couleurs des feuilles d'arbres, la danse des brins d'herbes et le chant des oiseaux. Il se sent si bien ici, entouré de la beauté d'un monde qui évolue. Il se dit que la Nature est plus forte que lui : elle ne se laisse pas désespérer lorsque tout ce qui ce qui l'entoure disparait dans un éternel recommencement :  elle continue de vivre joyeusement. L'arbre disait : "oh mes feuilles sont mortes ? Ce n'est pas grave, de nouvelles pousseront. Je suis toujours vivant, c'est tout ce qui compte." La fleur pensait : " je vais bientôt mourir ? Ce n'est pas grave, je renaîtrais ailleurs. Je suis éternelle, c'est tout ce qui compte." Et l'Homme criait : " Ne me prenez pas ceux que j'aime ! Lorsqu'ils meurent, je meurs aussi !" 

Jimin enfile un à un ses écouteurs et lance une musique au hasard sur son téléphone. Ses parents lui avaient acheté des airpods mais Jimin ne s'en servait jamais. C'est encombrant : c'est tout petit, c'est facilement perdu. Alors il serait obligé de se balader avec l'emballage pour les mettre à l'abri une fois la session musicale finie. Lui préfère la version ordinaire. Tant pis s'il s'emmêle avec les fils ! Tant pis s'il ne cesse de débrancher son appareil lorsqu'il fait le ménage ! Au moins, il n'est pas obligé d'en acheter de nouvelles paires chaque semaine. L'argent n'est pas réellement un problème chez lui, il vient d'une famille qui a les moyens. Mais il trouve cela moins utile de devoir acheter cinquante paires d'airpods.

Pas après pas, Jimin quitte la route de l'université pour s'enfoncer dans les quartiers résidentiels. Il prend rarement le bus ou le métro. Il n'habite qu'à vingt minutes de la fac, il peut très bien faire le chemin à pied lorsqu'il fait beau et demander à son frère ou Hoseok de le ramener lorsqu'il pleut. D'ailleurs, sans que Jimin ne s'y attende, des gouttes d'eau commencent à lui tomber sur le bout du nez. Il ne se presse pas, ce n'est rien, il n'est pas en sucre. Il va tranquillement suivre son chemin, de toute façon il arrive dans sept minutes. Mais il se sent foudroyé au moment où il se rend véritablement compte de l'endroit exact où la pluie a commencée :

Le chant mélancolique d'Evanescence dans les oreilles, Jimin fait face à une grande bâtisse. C'est une jolie maison en brique qui suit le style des autres du lotissement ; toit en taule de la couleur du cuivre, grandes ouvertures et petites cheminées. Mais contrairement à ses voisines, celle-ci est immense. En vérité, cette maison est séparée en trois différents appartements gérés par une même propriétaire et loués à de jeunes étudiants. Ici avait vécu Lee-tuk pendant deux ans. Son Lee-tuk, son petit ami, son âme-sœur. Jimin ne savait pas vraiment ce à quoi il s'attendait en regardant le volet de sa chambre. Peut-être espérait-il le voir apparaître à l'intérieur, agitant joyeusement la main vers lui. Peut-être espérait-il voir la propriétaire sortir pour l'inviter à l'intérieur, lui qui n'a jamais pu retourner dans cet appartement depuis la mort de Lee-tuk. Peut-être même s'attendait-il à voir son fantôme apparaître face à lui, la peau brulée et le visage fondant. Cependant, un tout autre spectre lui fit face : sur la porte, une pancarte était accrochée.

- A vendre. -

Il n'y avait pas qu'un seul locataire qui avait quitté le logis : tout le monde avait déserté le champ de bataille. Peut-être ne pouvaient-ils pas vivre avec l'âme d'un défunt dans leurs locaux.

La pluie n'arrête pas de redoubler mais Jimin est prisonnier de cette vision. Il finit par en sortir à l'entente d'un klaxon derrière lui. En se retournant, ses yeux rencontrent une belle berline noire. Jimin la connait. Bien sûr qu'il la connait, il connait encore plus la tête qui apparait une fois la vitre du conducteur baissée.

" - Minie ? Que fais-tu sous ce torrent d'eau ? Allez, viens ! Je te ramène à la maison ! "

Park Jin lance un regard inquiet à son frère avant de déverrouiller la voiture et de refermer la fenêtre. Jimin court alors se réfugier à ses côtés, oubliant la contemplation du bâtiment pour venir se réchauffer à l'intérieur.

Seokjin était un sauveur. C'est sûr ! Il sauve toujours son frère contre tous les rhumes imaginables !



Et peut-être aussi de la folie...

Le Menteur et L'Arnaqueur -jikook-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant