Clac.
Faible et fragile. Pourquoi un prénom avec une telle signification, Cael ?
Mes parents voulaient que je sois toujours auprès d'eux.
Qui sont tes parents ?
Mon père a quitté ma mère, il y a longtemps. Ma mère est haut gradée dans l'armée. Ironiquement ils ne sont jamais là.
Qu'aimes-tu ?
Me sentir vivant.
Te... sentir vivant ? En faisant des sports extrêmes ? En faisant de la compétition ?
En étant supérieur. En voyant la terreur chez les autres.
... Cael, sais-tu que c'est mal ?
Qu'est-ce qui est mal ? Faire ce que je veux ? Je n'oblige les autres à rien, je ne leur fais pas de mal. Je ne fais que dire la vérité.
Sais-tu que sans ta mère tu serais en prison ?
Je m'en fiche, en quoi ne pourrais-je plus faire ce que je désire ?
Clac.
Il marche dans le couloir bondé d'élèves. Personne ne le voit, il esquive les autres avec une élégante aisance. Personne ne le remarque, car à leurs yeux il est invisible. Trop moyen pour être vu. Entre le blond et le brun, les yeux gris sans éclat particulier, ni grand, ni petit, ni maigre ni gros. Il est, et c'est déjà pas mal. Ainsi, personne ne le remarque, et lui ne semble remarquer personne. Hors du temps, hors de l'espace, hors de la société. Muni d'écouteurs, il n'entend pas les bavardages. Il est, et c'est déjà pas mal.
C'est une école privée où le niveau des cours est supérieur à celui des cours du pays entier. Avec l'argent, le seul moyen de l'intégrer est de réussir un concours où beaucoup échouent. Cael a utilisé ces deux moyens. Il n'est étranger ni aux riches élèves, ni aux élèves boursiers. Il n'est pas vraiment dans l'un des groupes. Excellent et moyen à la fois. Supérieur et noyé dans la masse. Il est, et c'est déjà pas mal.
Cael s'est toujours ennuyé en cours. Il comprend tout, tout est logique, tout est clair. Il a toujours su quoi écrire, quoi faire, quoi répondre. Pourtant, dans cette école, il fait toujours en sorte d'être dans la moyenne. Génie noyé dans la médiocrité.
Au contraire, ce jeune homme n'a jamais compris les autres. Pourquoi pleurent-ils ? Pourquoi rient-ils ? Pourquoi cherchent-ils de la compagnie ? Pourquoi se complaisent-ils dans leur ignorance et incompétence ? Pourtant, il ne s'en est jamais plus inquiété que cela. Plus jeune, sûrement a-t-il été un peu curieux, mais à présent il ne se pose plus ces questions. Ils pleurent, rient, cherchent la compagnie des autres, aiment leur faiblesse par goût pour tout ceci.
Ainsi, Cael a commencé à s'ennuyer. Les cours sont faciles, les autres sont inintéressants, il n'est pas sportif. Oui, il s'ennuie, et rien n'y change. Alors il a commencé à prendre la vie comme un jeu, à voir les autres comme des pions.
Cael marche dans le couloir et laisse son regard se promener. Qui sera le prochain ? Ce sera une prochaine. Cette fille, la fille aux cheveux noirs qui s'excite au loin avec ses amies. Il se dirige vers elle, effleure sa main et s'éloigne immédiatement. La sensation de nausée parvient à lui, il va aux toilettes et vomit tout ce que son estomac contient. Sensation désagréable, mais il a l'habitude. Maintenant, il sait tout d'elle. Son passé, ses envies, son entourage, ses activités, ses rêves, ses problèmes de santé,... Parfait. Tout fonctionne à merveille, toutes les informations dansent dans sa tête, il n'a qu'à tendre la main pour savoir ce qu'il veut.
Cael est chez lui, devant son ordinateur. Il a un chocolat chaud à côté de lui, et il regarde les réseaux sociaux. Il crée un nouveau post, l'air de s'ennuyer. Il écrit. Que raconte-t-il ? Tout ce que cette fille ne désire pas voir dévoilé. Elle ne lui a pas obéi quand il lui a demandé de traverser l'autoroute les yeux bandés. Elle s'est faite percuter avant la fin. Tant pis pour elle. Elle verra tout cela lors de son réveil. Si elle se réveille.
Mais il ne considère pas avoir fait quelque chose de mal. Il voulait juste savoir jusqu'où allait la chance de cette fille qui se vantait d'être bénie des dieux. Pas assez loin, apparemment. Ce n'est pas grave, personne n'est mort.
Le jeune homme est déçu. Pour une fois, quelque chose n'a pas répondu à ses maigres attentes. On le transfère dans cette école. Il n'a rien à y faire. Mais il doit "payer sa dette", comme lui a dit l'homme qui l'accompagne.
Clac.
Cael Hister. Dix-sept ans. Homme brun, yeux gris.
Un mètre soixante-et-onze, corpulence moyenne.
Fils de Claire Hister. Père inconnu.
Unique.
Trois homicides volontaires, coupable de diffamation, de harcèlement et de cyber-harcèlement, atteintes à la vie privé, utilisation malveillante et immorale de son pouvoir d'Unique.
Soixante ans de prison avec sursis, transfert dans une école spécialisée pour les Uniques, dix-sept mille cinq cent vingt heures de travaux d'intérêt général.
Faible et fragile. Pourquoi un prénom avec une telle signification, Cael ?
Clac.
Unique : personne possédant un pouvoir. Si il y a autre chose qui n'est pas clair, n'hésitez pas à demander.
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Petites histoires d'âmes
NouvellesVoguez d'une histoire à une autre à chaque chapitre, suivez un fragment de vie, l'éclat d'un rire, et effleurez des personnages à peine ébauchés. Quelques mots pour décrire un visage, saisir quelques pensées et se questionner. Ne vous attendez pas...