De son petit pas allègre, Ayla marchait au milieu des champs, un léger sourire aux lèvres. Quelques fleurs venaient caresser sa peau pâle. Elle sautillait simplement en fredonnait l'air d'une comptine.
Cette idylle se dressait là ; logée au creux des montagnes, non loin de Gemini. Plus haut, certains chalets de bois se distinguaient à peine et cachaient la ville en effervescence. Elle longea le ruisseau jusqu'à la rivière Laï avant de se tourner vers un tout autre pan d'Aerini.
Ici se tenait un autre spectacle, révélant une différente face de la colonie. Les pics rocheux s'élevaient jusqu'à se fondre dans les nuages, si escarpés qu'il était dangereux de s'y aventurer seul. Il n'y avait qu'un vieux pont suspendu pour relier la haute montagne où se situait son village et le pré dans lequel elle gambadait gaiement quelques secondes avant. Étrangement assurée, elle s'avança sur les fragiles planches de bois probablement moisis, sautillant aisément d'une latte à l'autre. Bien qu'elle fut légère, chacun de ses pas raisonnait dans un craquement sinistre. Il était certain depuis plusieurs années que le pont se briserait bientôt, mais Ayla continuait de le traverser sans qu'il ne lui arrive jamais malheur. Elle ne pouvait pas tomber. Le vide ne lui faisait pas peur, non.
Il ne lui restait plus qu'à se rendre au sommet de la montagne. Avec une aisance et une rapidité extraordinaires, elle s'élança, coupant parfois à travers la roche sur les sentiers. Ce chemin lui était désormais si familier qu'elle savait parfaitement où poser les pieds et courait sans une hésitation. Pas plus d'une heure plus tard, elle fut assaillie par les voix bourrues des Geminais passant par la rue principale. Elle longea la grande allée pavée, délimitée par quelques échoppes d'où sortaient les commerçants vendre aux passants leurs offres alléchantes. On entendait au détour d'une ruelle un groupe de musique jouer, mêlant dans leurs chants toniques multiples instruments.
Ainsi avait toujours vécu Ayla, dans une insouciance totale et une certaine liberté, ou du moins en apparence.
Du haut de ses treize ans, on en voyait rarement des enfants comme elle, encore si enjoués. Elle emprunta encore quelques rues au plein centre de Gemini et de porter ses grands yeux gris sur sa maison. Elle entra dans le grand chalet de bois, et s'apprêta à se rendre dans le salon pour saluer son père qui devait probablement ranger quelques documents qui gisaient, épars, sur la table, mais elle s'interrompit bien vite. Des voix inconnues s'exprimaient dans la chaleureuse pièce avec d'autres accents ; ceux d'Aquarius et de Libra. Elle s'arrêta un instant pour les écouter, totalement déconcertée.
- Si tout va bien, il y a des possibilités de fuir. Aerini n'est pas un endroit sûr pour nos enfants, fit un premier homme, probablement un libratois au vu de son accent qui rendait presque les mots indiscernables.
- Les frontières caëllaises sont moins surveillées que celles d'Absinthum. La serre d'Aquarius a envoyé ses agents en repérage, annonça l'autre homme.
Alya se mordit l'intérieur de la joue. Elle ne comprenait rien à ce qu'il se passait. On ne lui avait jamais parlé d'Absinthum ou elle ne savait quoi. Elle savait juste que la serre d'Aquarius était un endroit horrible et qu'elle ne voulait jamais y mettre les pieds, et que "agents" n'était qu'un autre mot pour parler des captifs de l'endroit.
- Et on peut oublier Honoria, la barrière de feu nous bloque l'accès. A Caëllus, il suffit de trouver un endroit sûr dans leurs immenses forêts et nous n'aurons plus aucun problème. Nous ne pouvons plus vivre ici, alors que la menace pèse constamment sur nous.
C'était son père qui venait de prendre la parole. Alya était déboussolée. Pour elle, leur discussion n'avait aucun sens, mais elle savait à qui demander.
Sans un bruit, elle monta à l'étage et entra sans toquer dans une pièce toute en bois.
- Aspasie, qu'y a t-il au delà d'Aerini ?
Elle connaissait sa colonie par cœur, alors ils ne pouvaient que parler du reste du continent. Et fuir Aerini était le plus grave des délits.
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Eïkundil
ParanormalColonies à jamais séparées Liberté interdite mais tant convoitée Observatoire redouté et vénéré La prison de la naissance, à la fois affreuse et merveilleuse, oppresse certains Eïkundilais, prêts à tout pour trouver la liberté mais très vite, cette...