Le sang se répand sur le sol, flaque rouge sur le goudron chaud. Le chant des cigales est couvert par un son qui lui est encore peu familier. Elle a peur, certes, mais quoi de plus normal dans cette situation ? Au mauvais endroit, au mauvais moment, en plein coeur d'un règlement de compte. Une vive douleur dans le bras et une autre dans la jambe, puis plus rien. Le noir, le néant absolu. Que s'est-il passé après ? C'est là que son souvenir s'arrête. Elle s'était prise une balle dans le biceps droit et une autre dans le muscle soléaire gauche. Elle en gardera des cicatrices à vie.
Lorsqu'elle s'était réveillée, elle était dans un lit d'hôpital. Elle avait cherchait ses parents du regard mais n'avait vu que des inconnus. Elle n'avait pas posée de questions. Pas par bêtise, mais par peur. La journée passa sans que personne ne vint la voir, sauf pour lui porter un repas. Plus tard dans la soirée, un homme en costume était venue la voir. Encore un inconnu. Il lui avait demandé de se présenter et elle s'était exécutée. Il émanait de cet homme une force, une autorité, qui inspirait la crainte. Elle se souviendrait toute sa vie de ce qu'il lui avait dit ensuite, un sourire aux lèvres. Elle n'avais plus vu sa famille depuis.
Elle rouvrit les yeux. Longtemps ce souvenir l'avait hantée mais c'était devenue chose rare, désormais. Il y a encore un an ce souvenir l'empêchait régulièrement de dormir, depuis il avait été remplacé par ceux dont elle avait causée la mort. Mais l'adolescente avait fini par s'y faire, maintenant elle pouvait dormir sur ses deux oreilles, ou presque. Qui aurait pu penser qu'elle entrerait un jour dans la mafia ? Elle, Sierra, la petite fille sage et réservée, sans la moindre histoire ! Quelle ironie du sort !
La jeune fille se redressa et prit un carnet sur son bureau bien ordonné. Elle y écrivit quelques mots, un poème. Elle le rangea et regarda autour d'elle. Sa chambre, située sous les toits, était à son image : propre, parfaitement rangée et ordonnée ; pas un pli ne dépassait du lit, nulle chaussette solitaire au sol. Elle savait où se trouvait chaque chose et rien ne traînait jamais par terre. Elle n'avait pourtant pas toujours été ainsi : c'était son entrée dans la mafia qui l'avait poussée à changer pour se protéger, par peur et par lâcheté. Elle avait refusé de se confronter à elle-même, dans ce monde impitoyable, et c'est pour cela qu'elle avait autant changée.
Autrefois Sierra aurait été totalement incapable de faire ne serait-ce que la moitié de ce qu'elle faisait aujourd'hui. La mafia lui avait appris bien des choses et elle ne regrettait plus vraiment d'y être entrée. Cependant elle avait eu des difficultés à accepter certaines règles comme l'assassinat systématique des traîtres ou les règlements de compte. Elle-même était entrée dans la mafia à une période mouvementée, une autre mafia essayant d'envahir leur territoire. Elle n'avait certes pas eu le choix d'y entrer, mais les évènements de cette époque, bien que marquants, lui avait sûrement permis de mieux s'intégrer à la mafia. Toutefois, il arrivait qu'une étrange langueur l'envahisse et qu'elle songe à ce qu'aurait pu être sa vie sans la mafia. Mais ces accès de mélancolie étaient rares, elle avait souvent trop de choses en tête pour s'autoriser un tel laisser-aller.
Sierra se leva et sortit. Elle quitta la vieille cour de ferme pour s'allonger dans l'herbe. La touffeur de l'après-midi ne s'était pas encore dissipée dans le soir mais un vent marin apportait une légère fraîcheur dans l'air. Le ciel se nuançait de teintes chaudes tandis que les ombres s'allongeaient autour d'elle. Sa meilleure amie, dont les parents avaient -de leur vivant- fait parti d'une Triade, la rejoignit. Liu faisait déjà parti de la mafia lorsqu'elle y était entrée et c'était elle qui lui avait appris à tirer. Elles avaient toutes deux été étonnées lorsque, terminant leur formation, on leur avait annoncé qu'elles allaient emménager dans une ancienne ferme retapée. Elles avaient appris plus tard que l'emplacement des demeures avait été choisi pour que les membres de la famille ne vivent pas trop loin du parrain. Les deux amies ne s'en plaignaient pas, leurs voisins les plus proches étant les bovins au regard torve d'un agriculteur vivant à quelques kilomètres, elles étaient tranquilles ici. Un air de soul venant du salon s'éleva dans l'air.
Elles rejoignirent la maison. Nico était en train de préparer le repas du soir, il avait visiblement pu terminer son travail plus tôt que prévu. Tarso était assis à la table de la cuisine, une bière à la main. Sino, une fois n'est pas coutume, était également là. Ça devait être lui qui avait mis la musique. Ines était dans la cour, s'occupant du potager qu'elle avait créer lorsque la cour avait été dépavée. Les autres étaient encore dans leurs chambres, à la cave ou au travail. Ils mangeraient plus tard.
Après le repas, certains s'installèrent devant la télévision du salon pour regarder un film tandis que les autres regagnaient leurs chambres ou vaquaient à leurs occupations. N'étant pas une grande adepte de cinéma et ayant une idée bien précise de l'heure à laquelle il fallait se coucher, Sierra monta dans sa chambre, sous les toits. Elle retira sa boucle d'oreille -une fine plaque métallique incurvée où était représenté une piovra, signe de son appartenance à la mafia- et mis ses lunettes. On toqua à sa porte. C'était Tarso. Il s'assit sur son lit, froissant les draps au passage :
"-Tiens, il lui tendit une petite clé USB. C'est le programme de traitement de texte que tu m'avais demandé.
"-Oh !" Elle n'avait pourtant pas l'air surprise. "Tu as fait vite.
-Dixit la reine de la patience. Si je n'avais pas fait vite, tu aurais sûrement fini par venir me voir pour me le réclamer.
-Moi ? Je ne suis pas comme ça et tu le sais bien !
-C'est ça ! Toujours dans le déni à ce que je vois ! Tu me diras s'il te convient. Ah, sinon, pour parler d'autre chose, tu pourrais venir m'aider demain ? Si ton emploi du temps te le permet, bien sûr, dit-il d'un air sardonique.
-Il se trouve que la seule chose que j'ai à faire demain est de terminer une traduction. Mais, dis-moi, quand te décideras-tu as avouer tes sentiments à Liu ?"
Il rougit violemment et marmonna quelques mots avant de sortir, s'avouant vaincu. Elle sourit. La jeune fille savait pertinemment qu'il avait du mal à exprimer ses sentiments et qu'il n'avouerait probablement jamais son amour à Liu. Mais elle aimait s'en amuser car cela lui procurait une joie certaine. Sierra s'étant cependant jurer de ne jamais, au grand jamais, de lui parler de ses sentiments pour un garçon, si un jour elle en aimait un, car il en profiterait alors pour lui retournait la pareille. Elle réarrangea ses draps.
Dans la pénombre grandissante, elle alluma sa lumière, prit un livre et s'assit par terre. Le crépuscule faisait briller la poussière en suspension et rendait sa chambre bien plus chaleureuse qu'elle ne l'était. Sierra s'était déjà amusée à mettre des mots sur cette pièce ; pour elle, son refuge était lumineux, confortable, propre et ordonnée. Mais personne n'était d'accord avec sa définition : tantôt ils la trouvaient trop austère, tantôt ils la trouvaient trop stricte. Certes il y avait peu de fioritures, mais on trouvait tout de même quelques objets qui servaient à la fois de décorations et de rangements.
L'adolescente reposa son livre, elle avait peu avancé. En vérité, elle pensait à tout autre chose. Sierra se leva, ouvrit sa fenêtre et grimpa sur le toit. Les tuiles étaient encore chaudes et la nuit, jeune. Sa silhouette avança prudemment sous le clair de lune, pas à pas, le long de la toiture, avant de se coucher dessus. Elle regarda les étoiles s'allumaient une à une dans le ciel. Un chat miaula. Elle se laissa bercer par le murmure lointain de la mer et plongea dans ses pensées. Une ombre noire la survola en hululant. La demoiselle se songea à toutes ces heures passées à apprendre les arts martiaux et l'usage d'une dague. Elle tirait certes très mal mais se rattrapait au corps à corps. Malheureusement, en dehors de Nico et de Dina, la plupart des membres de la Famille vivant ici ne pratiquaient pas ou peu le corps à corps. Elle se réjouissait donc des réunions car c'était l'occasion pour elle de pouvoir s'exercer avec d'autres personnes. Sierra, vaincue par la fatigue, s'endormit finalement sur le toit.
Elle fut réveillée par l'aube. La jeune fille regagna sa chambre et ferma la fenêtre derrière elle. Il faisait frais. Ses muscles et son dos étaient endoloris et l'empêchèrent de se rendormir. Sierra descendit donc dans la cuisine pour prendre son petit-déjeuner, puis remonta dans son refuge avec une tasse de café et se plongea dans la traduction de l'inventaire sur lequel elle travaillait.
----------------Voici donc le premier chapitre de mon histoire. J'espère qu'il vous aura plus !
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Mortelle danse
General FictionParfois le destin nous joue des tours. Cela Sierra et les autres habitants de la ferme ne le savent que trop bien... Pourtant, aujourd'hui, ils sont tous membres de l'une des plus grandes mafias du monde. Mais ces mafiosis en herbe ont-ils vraiment...