Chapitre 2

20 4 11
                                    

Le fumet du poulet froid arriva aux narines du jeune homme allongé sur le canapé. L'odeur le tira de son sommeil. Rapidement, il fut sur ses pieds, comme tiré par un fil en direction de la cuisine. Tout allait pour le mieux, même plus, il débordait d'une forme étonnante, si l'on oubliait le trou qui se creusait dans son estomac.

— Qu'est-ce que tu fais debout bébé ?

— Ça sent bon ce que tu fais ? C'est quoi ?

— Rien, j'ai ouvert un peu de poulet, je comptais le mélanger avec les restes d'hier.

— J'ai super faim, c'est terrible !

Il s'était assis de l'autre côté du bar, du côté du salon. Il ne regardait plus Lila, mais juste ses mains, coupant le poulet froid. C'était hypnotique.

— Tu m'en files un bout princesse ?

— T'es sûr que ça va passer ?

— Ouais ouais.

Lila lui tendit un morceau de blanc. Il se jeta presque dessus et l'engloutit tout aussi rapidement. La jeune femme continua de cuisiner, jetant des regards inquiets de temps en temps sur le visage d'Asael. Ils mangèrent, lui beaucoup, elle beaucoup moins. Mais finalement, s'il avait si faim, c'est qu'il était remis sur pied et que la crise de ce matin n'était qu'un coup de mou, un gros coup de fatigue dû à tout ce qu'il se passait, là-bas, dehors.

— Eh bah ! Ça fait tellement du bien ! Il dit ça en s'enfonçant dans son siège les mains croisées sur son ventre. Je ne sais pas ce qui m'a pris, mais j'avais une faim de loup.

— Oui, j'ai pu voir ça. Ça va mieux ?

Il la regarda, lui sourit et acquiesça.

Elle ne savait pas si elle était encore sous le choc de ce matin, mais le regard d'Asael paraissait changer. Moins présent, comme s'il ne regardait qu'à moitié. Comme s'il la regardait de ses yeux, mais sans son amour. Elle avait peu dormi, elle devait surement être à côté de la plaque.

Épuisée par la nuit qu'elle avait passée et la digestion, Lila n'en pouvait plus.

— Tu viens t'allonger avec moi devant la cheminée Asa ?

— Bien sûr mon cœur.

Cette fois-ci, c'était sûr, elle avait rêvé, c'était bien lui, il était bien revenu entier de sa crise de ce matin.

Installée confortablement dans les bras de son homme, Lila se sentit protégée, aimée. Ici, rien ne pouvait lui arriver. Les doigts d'Asael parcouraient son visage, c'était si relaxant. Ils restèrent comme ça un temps. C'était leur instant, rien qu'à eux. Comme tout dans cette maison. C'était le petit coin de paradis.

Le téléphone sonna. Ils le laissèrent faire, une fois, puis deux, et enfin après la troisième Lila se leva et décrocha le combiné.

— Allô ?

— Oh ma puce, j'essaye de te joindre depuis ce matin sur ton portable ! T'aurais pu me prévenir que tu partais !

— C'est vrai, désolée Papa... C'est avec toute cette histoire, et mon travail. J'avais la tête ailleurs.

Elle se sentait vraiment chagrinée pour lui. Elle n'aimait pas qu'il s'inquiète pour elle, il était devenu si fragile depuis que Christophe était mort. Le temps et la solitude ne l'avaient pas aidé.

Christophe était l'un de ses frères. Il était décédé lors de leurs dernières vacances ensemble, il y a deux ans. Apparemment, une bagarre avait explosé dans un bar où Christophe était parti seul. Le lendemain, on l'avait retrouvé sans vie.

Était-ce à cause de ça qu'ils arrêtèrent de partir sur la côte basque ? Cela faisait parti des non-dits de la famille.

Quand Lila repensa à tout ça elle sentit sa gorge se serrer, mais ce n'était pas le moment. Elle ne voulait pas, en plus d'avoir inquiété son père, lui rappeler ces terribles souvenirs.

— Ça fait rien ma chérie. Vous avez bien eu raison de partir profiter de l'air frais. On risque de rester enfermés un bon bout de temps.

— Ouais Asael me l'a dit, c'est ce qui m'a convaincu dans son idée de venir ici.

— Vous avez bien fait.

— Et toi Papa, tu restes à Lille ?

— Bah oui, où veux-tu que j'aille ma chérie ?

— Je ne sais pas. Ça va, tu tiens le coup ?

— Ça va, ça va, j'ai appelé ton frère ce matin.

— Comment il va ?

— Bah, il est avec son Eva dans leur maison à Boulogne sur mer.

— C'est bien.

Ils discutèrent de tout de rien pendant une petite heure. La jeune femme regardait Asael qui semblait dormir. Entendre la voix de son père était rassurant. Elle oubliait presque cette matinée.

— Tu embrasses Henri et Eva la prochaine fois que tu les as au téléphone.

— Oui bien sûr ma puce. Prends soin de toi. Et tu salueras Asael pour moi.

— Oui Papa. Bisous, je t'aime.

— Moi aussi ma puce.

Elle appuya sur la touche rouge du téléphone qui émit un bref *bip* puis elle le déposa sur son support. Elle resta là un petit instant à contempler Asael. Elle ne comprenait pas comment elle avait pu penser qu'il était devenu fou, et qu'elle l'avait perdu à tout jamais. Elle se sentait fatiguée, elle n'avait qu'une envie, c'était de se coller à son homme et de se reposer. Elle s'assit plutôt devant lui. Il la regarda, les yeux mi-clos.

— C'était qui ?

— Comme si tu n'avais pas entendu.

— Il va bien ?

— Oui oui, il t'embrasse.

— Il m'embrasse ?

— Bon OK, il te salue.

Il sourit. Elle aussi.

— Je t'aime beau gosse.

— Moi aussi.

Ils papotaient, elle, adossée au canapé, lui, allongé sur le canapé. Le ciel avait pris une teinte rosée. De plus en plus, les yeux de Lila se faisaient lourds. Elle finit par sombrer. La tête collée au bras de son homme.

Asael se leva, la porta et la déposa juste là où il s'était trouvé plutôt et la recouvrit d'un plaid. Lila entrouvrit les yeux et le regarda, il lui embrassa le front et la laissa sombrer dans le sommeil.

Migraine IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant