Bouleversement

133 12 3
                                    

Lorsque tu étais plus jeune, avais-tu, par hasard, peur du noir ? du vide ? ou de la solitude, qui créait un sentiment incessant dans ton cœur ? Mais aussi, quelque chose de bien plus profond...

En cette nuit, je me demande encore ce qui est le plus sombre : mon cœur, ou le ciel ?

2120. Est-ce lointain, de vous, qui lisez ces mots? Sachez que là où je suis, c'est terrible. C'est à la fois catastrophique et désertique. Le néant. Il y a eu cet événement, grave, qui nous a tous mené là... Mais personne ne sait quel est il. "Le gouvernement a tout étouffé à l'époque" : c'est ce que disait ma mère de son vivant. Elle est morte lorsque j'avais 11 ans. Aujourd'hui j'en ai 18. Et depuis, je vis seule avec mon "père". Que dire à son sujet ? Juste le fait de mettre des guillemets attise ta curiosité, hein ? Tu ne devrais pas trop t'en préoccuper...
Mais, je peux te dire que c'est mon père de sang, biologique, autrement dit.
Je relève les yeux vers la lune ronde et brillante, postée sur le toit d'un immeuble abandonné. Je prends une grande inspiration, lorsque des flashs me viennent. Tout en secouant la tête pour chasser ces pensées, je me mets à réfléchir.
Connais-tu l'Histoire-Géographie ? Est-ce que c'est une matière que l'on t'enseigne ?
Pas moi. Pourquoi ? À ton avis...
Tout simplement parce que l'Histoire n'a plus le droit d'être racontée. La supprimer permettait au Gouvernement de couvrir toutes les actions en lien avec l'Événement. Ainsi, les livres ont été brûlés et on ne peut se servir que d'internet pour faire des recherches. Mais vous vous doutez bien, que toutes les données ont été effacées, et tout individu cherchant à dévoiler une part de vérité a été automatiquement exécuté.
Tellement plongée dans ma réflexion, que j'en oublie de me présenter convenablement. Alors à toi, qui lit mes écrits, je m'appelle Klély, et je vis dans l'une des "capitales du massacre". Son nom en dit bien assez sur ce qu'il se passe ici. L'Etat leur a donné ce nom, car c'est dans les capitales que se trouvent le plus de tueurs, et de pauvreté. Les villes n'ont plus de nom comme auparavant, alors je ne pourrais me localiser précisément. Nous n'avons aucun repère. Je dis "Nous" pour tromper la solitude. Aucun ami, aucune famille car mon père est une enflure.

Il y a 3 statuts ici bas : le guerrier (un assassin autrement dit), le survivant (les gens comme moi, vivant dans la capitale mais sans tuer qui que ce soit ; cette catégorie est rare.) Et enfin, le réfugié (ils sont en fuite constante et sont hors-capitale).
J'écris dans l'espoir du dialogue, pour laisser une trace en ce monde, et peut-être, sur mes futures découvertes. J'espère que des yeux parcourent ces lignes, déchiffrant chaque mot.
Préoccupée par mes pensées, un bruit sourd me fait tressaillir. Affolée, je me retourne, vers le son d'un poids lourd montant à l'échelle menant tout droit sur le toit où je me trouve. Je dégaine rapidement mon arme et me mets en position de combat, attendant le moment fatidique : un guerrier ? Un homme fort ? Qui va me détruire ? Je cligne des yeux, ressentant mon pouls s'accélérer. Mon cœur se serre à son tour, comme si chaque élément, jouait une musique bien trop puissante et intense pour mon être. Une grande silhouette s'étire, puis une seconde.
Ok, alors, soit je meurs, soit je me fais...des amis ?? Haha.

Lorsque les 2 ombres se placent de sorte à me surplomber largement, je pointe aussitôt mon arme vers elles. A cause de la pénombre, je ne décelais rien d'autre que leur forme de visage, imaginée et formée par mon esprit. Leur carrure impressionnante (enfin, plus grands que moi et plus costauds, chose peu difficile vu mon gabarit), je devine 2 hommes. L'un porte une casquette, (ce qui est plutôt curieux au beau milieu de la nuit). Il reste en retrait et n'a pas l'air décidé à m'attaquer. L'autre, plus en avant, lève les 2 mains au dessus de ses épaules et brise tout à coup le silence qui s'était interposé.
《- Hey, hum... on est pas dangereux. Alors tu peux baisser ton arme.》
En guise de réponse je choisis de ranger lentement mon arme, mais garde la main posée dessus, prête à la ressortir au moindre mouvement douteux. Il relâche un gros soupire, et se détend, me faisant aveuglément confiance. Après tout, je pourrais être dangereuse, leur tirer dessus et les voler, puis repartir.
Il s'assoit en tailleur, comme si de rien n'était. Son ami fait de même, toujours en silence, pendant que je reste bouche-bée. Je me racle la gorge pour reprendre contenance et dis :
《- Vous faites quoi ici ? , d'un ton sec
- On regarde le ciel, pensif, ça se voit non ? , me répond l'homme sans casquette
- Je suis toujours là, et jamais personne n'est déjà venu.
- Car nous avons découvert cet endroit dans la journée.
- Ça ne me dit pas qui vous êtes !
- Tu ne l'as pas demandé. Mais on est pas des assassins si c'est ce que tu crois.
- Comment le saurais-je ?
- Et comment nous, on saurait que tu n'en es pas une ? Tu es celle qui porte une arme. , répliqua-t-il.》
Je ne su comment répondre à ça. Après avoir marqué un temps de pause, je repris :
《- Vous qui n'en portez pas êtes ceux qui êtes louches. Qui pourrait être aussi prétentieux et orgueilleux pour penser que "Môsieur" n'ait pas besoin d'arme dans la capitale du massacre ? , la réponse qu'il me fit à cet instant me cloua le bec, n'étant pas préparée à un tel changement de sujet.
- Comment tu t'appelle ?
- Ça te regarde ?
- Oui , dit-il en me lançant un clin d'oeil charmeur (qui ne me fais absolument aucun effet qu'on soit bien clair.)
- Klély ... vous ?
- Moi c'est Anfy. Et lui Nyo. J'ai 21 ans, lui 19.
- Donc vous êtes en rapport d'âge avec moi. J'en ai 18.》
À partir de ce moment là, les choses se sont adoucies. Pour autant, mon pistolet restait à portée de main.
C'est ainsi, que pour la première fois de ma vie, je faisais la rencontre de 2 amis précieux, sans savoir ce qui m'attendait avec eux...

Le lendemain, ma journée démarrait de manière habituelle : je suis allée voler à manger, puis je suis rentrée faire des recherches sur mon ordinateur portable. N'ayant rien trouvé de concluant au sujet des 2 jeunes hommes, je décide de faire un tour avec mon skateboard. J'allumais le turbo à réaction, et sautais dessus, sentant l'air entre le sol et le skate faire pression. Je vole dans la ville, plane, insouciante. Mais c'est mon retour qui s'est mal passé. J'arrive au portail; et j'aperçois mon père, sur le seuil de la porte d'entrée. Il m'attendait, me fixant de là où j'étais. Au moment où je poussais le petit portillon pour entrer, il se détourna et ferma la porte à clef derrière lui sans un mot. Je m'approche de la porte pour confirmer : c'était bien clot.
Je pousse un soupire anxieux, puis me vint une idée : entrer par effraction.
Chez moi-même.
Parfaitement logique.
Heureusement il n'y a pas de vis à vis entre ma maison et celles aux alentours, car quelqu'un qui voit cette scène, serait autorisé à m'abattre sur le champ.
Je passais par une fenêtre à moitié ouverte, et me glisse à l'intérieur. Une fois mes pieds posés sur le plancher, le silence oppressant me noua la gorge. Le changement d'ambiance est radical. La maison paraissait vide, seulement je savais qu'il était là. Caché, à se tapir dans l'ombre, pour je ne sais quelles raisons. Je m'avançais dans le couloir (peut-être de la mort) en jetant un coup d'oeil à chaque entre-baillure de porte sur les côtés. Rien. Le stress était croissant et me tordait le ventre. Mon regard se posa sur les escaliers menant à l'étage supérieur. Il est sûrement là-haut. Puis tout à coup, une idée des plus farfelues fit surface dans mon esprit. Et si, pour la première fois, je pénétrais dans sa chambre, pour fouiller ce qu'il me cache depuis toutes ces années ? Après tout, j'ai eu interdiction formelle d'y aller. Il doit y avoir une raison. Je me faufilais dans la pièce le plus discrètement possible, et refermais doucement dans mon dos. La grande armoire me faisant face m'attire comme un aimant. Je l'ouvre, pour trouver des vêtements pendus aux ceintres. Je soupire en baissant la tête, mais cet acte m'a valu de découvrir une trappe. La curiosité l'emportant sur la raison, je l'ouvre et m'y engouffre avec empressement. Un escalier s'offre à moi. Je descends les marches une à une, pour découvrir une pièce sombre. Trop sombre pour voir les 4 murs autour de moi, donnant une atmosphère terrifiante. Pas le temps d'en observer plus, j'entends un grincement derrière moi, et je n'ai pas le temps de me retourner qu'un énorme coup frappe l'arrière de ma tête. Ma vue se trouble, je me tourne doucement pour voir mon père, tenant une planche en bois massive. L'alcool se lit dans son regard, et l'odeur qu'il dégage me le confirme. Il respire comme un fou, s'approche, avec des pas lourds mais rapides. Il me fauche la jambe et je tombe sur le dos en laissant un cris de douleur s'echapper. J'attrape mon couteau de poche et lui plante dans le mollet. Il grimace et se penche vers le couteau pour le retirer. J'en profite pour me relever et gagner la sortie de cette cave, mais en grimpant l'escalier, une douleur lancinante dans le dos me fige. Je me tourne et lui donne un coup de pied en pleine figure, le faisant tomber jusqu'en bas des escaliers, puis je sors vite en montant le reste des marches 2 à 2. Je prends la fuite en sortant en vitesse de cette maison de torture. Je retire le couteau qu'il m'avait replanté en dessous de mon omoplate tout en courant, haletante. Mes jambes ne cessent de courir de plus en plus rapidement malgré la douleur de mes blessures.
Je m'arrête une fois hors d'atteinte, pour remarquer que je suis carrément perdue. Et par dessus tout, je ne cesse de saigner. La perte de sang commence à avoir ses effets, et je perds connaissance, au beau milieu de nulle part.


À suivre...

UCHRONIEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant