ᴍɪɴᴜɪᴛ ᴇᴛ ʙᴏʏᴀᴜx

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N’étant que la gouvernante du château, je n’avais pas le droit de me coucher tôt, de me reposer. Je devais finir mon travail, ce que je fis. J’allai ensuite me coucher, éteignant les chandeliers un à un comme je le fais chaque soir depuis 10 ans.

C’est dans mon lit, couchée, que je les ai entendu. Des grincements, puis une ombre. Et, enfin, Eymma, 17 ans et héritière du château, qui passe devant ma porte entre-ouverte dans un état
second, les pupilles fixes et sans vie. À ma connaissance, elle n’est pourtant pas somnambule.

Je me lève, la suis. Elle se dirige vers un placard où une fille de son rang ne mettrait jamais les pieds et dégote la grande valise qui s’y trouve. La jeune femme en sort un objet aiguisé et contondant.

Pourtant, je l’avais vérifié avant de la ranger ; sa valise était vide.

Elle descendit les longs escaliers de marbre, les bras pendants et sa main lâchement accrochée à son arme recourbée plus tranchante qu’un poignard.

Je la vois se diriger vers le centre de la vaste pièce, s’arrêter et attendre.

Attendre quelque chose.

Attendre quelqu’un.

L’ambiance est étrange, presque malsaine. Le vent qui s’introduit par les fissures et parvient jusqu’à mes oreilles en sifflant me glace le sang. Je reste cachée derrière l’immense pilier en pierre grise et écoute attentivement. Je n’entends rien, si ce n’est les rafales insolites et le tic-tac de l’horloge.

J’attends. J’attends. J’attends mais il ne se passe rien.

Eymma n’a pas l’air de s’en faire, elle. A vrai dire elle n’a l’air de rien du tout. J’en arrive même à me demander si, au moins, elle respire encore.

J’attends. J’attends. J’attends mais il ne se passe rien.

Je bâillai et c’est à ce moment précis que j’entendis les douze coups de minuit retentir…

Un bruit fort, aigu parvient jusqu’à mes oreilles. Malheureusement pour moi, la cécité ne m’a pas encore atteint et j’entends nettement ce son affuté, criard, lancinant. Je tourne la tête vers la
lumière rouge de mon réveil et cligne des yeux.

Je ne me souviens absolument pas d’être remontée dans ma chambre, de m’être recouchée.

Était-ce un rêve ? Je me surprends à l’espérer, à en être soulagée.

                               ◌◌•◌◌

Je suis en train de finir de mettre la coupole de fruits sur la table lorsque la belle enfant arrive.
Eymma me sourit, me salue, puis s’installe.

Son comportement n’est absolument pas comparable à celui de mon rêve, cela me rassure.

La journée se passa sans anicroches et je me retrouve de nouveau, tout comme la veille au soir, à éteindre les chandeliers. Je me couche tranquillement et m’endors.

Puis tout se répéta ; les grincements, Eymma toujours dans le coaltar, le placard, l’arme, l’attente, moi qui la suis et qui reste cachée. Tout se répéta, exactement de la même manière. Tout sauf moi peut-être. Cette fois, j’ai peur.

Je la vois se diriger de nouveau vers le centre de la vaste pièce, s’arrêter et attendre.

Attendre quelque chose.

Attendre quelqu’un.

Et ce quelqu’un arrive.

Je sue, à grosse gouttes d’ailleurs. Je peine à déglutir. Je me remémore cette matinée ; j’ai cru avoir rêver, peut-être rêvais-je encore ?... Je me pince. Autant éclaircir ce point. Une douleur me prends et je me rends compte que je ne rêve vraiment pas, et puis c’est tellement réaliste alors aurais-je seulement pu rêver ? Je ne crois pas. Je me cachais derrière cette hypothèse, espérant ne pas découvrir quelque chose d’aussi monstrueux tout simplement.

Minuit et BoyauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant