En route pour Paris

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La campagne française défilait de l'autre côté de la fenêtre. Le train filait, fendant la brume grise et humides du matin.
Détournant son regard du paysage détrempé, le jeune homme se mit à contempler la jeune fille, assoupie sur la banquette en face de lui, les bras enroulés autour d'un petit chien blanc.
Même endormie, elle était exquise.
Tintin ne pouvait s'empêcher de la dévorer du regard.
Depuis qu'il l'avait rencontré pour la première fois, dans une salle de répétition du Conservatoire de Milan, où s'était réuni le casting de l'opéra Rigoletto, au cours de la tournée de la cantatrice Bianca Castafiore, il n'avait cessé d'être impressionné par ses multiples talents. Jeanne Lambert. Quand elle s'était présenté, il n'aurais jamais cru que, moins d'un mois plus tard, il aurait donné sa propre vie pour la sauver.
Dire que cette jeune femme si douce avait un passé si dur...
Le sang de Nicolas Flamel, alchimiste et créateur de la pierre philosophale, coulait dans ses veines, la soumettant pour la vie à la terrible poursuite de Mantichora, organisation secrète  internationale tentant depuis des siècles de mettre la main sur les découvertes de son ancêtre. Au cours de divers pérégrinations, un des membres de l'organisation, grand ennemi de Tintin et oncle de Jeanne, le Colonel Spontz, avait réussi à mettre la main sur le pendentif de cette dernière, bijoux où son père, Aristide Lambert, alchimiste travaillant naguère pour Mantichora,  avait caché le secret.
Et aujourd'hui, pour récupérer l'inestimable clef, ils poursuivaient la dernière famille de Jeanne jusqu'en France, là où Spontz pensait trouver des indices pour réussir à faire ouvrir le pendentif.
Son visage doux ne laissait pas deviner ce passif difficile, et toutes les peurs et les souffrances qu'elle avait enduré. A peine sortie de l'hôpital après sa noyade ratée, elle avait insisté pour sauter dans le premier train pour Paris, histoire de rattraper leur retard sur leur ennemi. Son poignet bandé et les cicatrices de coupures encore récentes sur son visage témoignaient de ce qu'elle avait enduré. Mais jamais elle ne s'était plein, poursuivant les voleurs avec entrain.
Elle était jolie comme un coeur, et son charisme ne laissait personne indifférent.
Tintin esquissa un léger sourire. Il était heureux d'être avec elle.
Il fut sorti de sa contemplationpar son ami, le Capitaine Haddock;
- Vous devriez arrêter de la dévorer du regard et lui parler.
Surpris, le jeune reporter se tourna vers lui, les yeux ronds.
- Ne faites pas l'innocent, petit, il faudra bien un jour lui avouer vos senti...
- Chuuut ! Elle risque de vous entendre !
- Donc je ne me trompe pas !
- Euh... Je... Non ! Euh... Oui!... Ahem... je... les joues du jeune homme confus avaient pris une couleur rouge vif.
Il soupira, cherchant à retrouver son calme.
- Je... je ne sais pas ce qu'il m'arrive. Je ne suis plus moi-même...
- Au contraire, mon garçon, je pense que vous êtes plus vous-même que jamais ?
- Que voulez-vous dire ?
Le vieux marin ricana gentiment;
- Vous ne voyez pas ? Je vous ai connu plus malin ! Voyons, vous êtes amoureux !
- Vous croyez ? Demanda son cadet d'une voix mal assurée, fronçant les sourcils.
- Je ne crois pas, j'en suis sûr ! Il est évident à la façon dont vous regardez cette petite qu'elle vous plaît.
Tintin se tassa sur son siège, se préparant à nouveau à répliquer;
- Je... Bon, et si c'était le cas ?...
- Si c'était le cas, moussaillon, vous devriez lui dire.
Et le Capitaine lui jeta un regard lourd de sens. Tintin, résigné, se rendit;
- Bon, admettons. Elle... je crois qu'elle me plaît.
A côté de lui, son ami étouffa un cri de triomphe, sans réveiller l'objet de la discussion.
- C'est a vous de prendre cette décision, vous êtes un grand garçon. Mais je pense que vous devriez lui dire. Que va-t-il se passer, une fois que Mantichora sera hors d'état de nuire ? Elle retournera à sa vie de solitude, et vous, vous rentrerez le coeur lourd en Belgique, et je devrais supporter votre chagrin, que vous aurez traîné jusqu'à Moulinsart. - A ces mots, il prit un ton plus grâve - Mon garçon, maintenant que vous avez goûté à ça, vous ne pourrez plus être heureux loin d'elle.
- Je sais, Capitaine... mais je dois d'abord la sortir des griffes de Mantichora.

Les Aventures de Tintin  - Tintin et Jeanne contre Mantichora [En Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant