Démence et génie

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Chapitre 12 – Démence et génie

Jusqu'ici Raoul n'avait ressenti qu'une peur plutôt morale, le danger ne menaçant que lui et la Cagliostro ; pour lui, il se confiait à son adresse et à sa bonne étoile ; pour la Cagliostro, il la savait de taille à se défendre contre Beaumagnan.

Mais Clarisse ! En présence de Joséphine Balsamo, Clarisse était comme une proie livrée aux ruses et à la cruauté de l'ennemi. Et, dès lors, la peur de Raoul se compliqua d'une sorte d'horreur physique qui, réellement, dressait ses cheveux sur sa tête et lui donnait ce que l'on appelle vulgairement la chair de poule. La face implacable de Léonard ajoutait à cette épouvante. Il se souvenait de la veuve Rousselin et de ses doigts tuméfiés.

En vérité, il avait vu juste lorsque, une heure plus tôt, venant au rendez-vous, il devinait que la grande bataille se préparait et qu'elle le mettrait aux prises avec Joséphine Balsamo. Jusqu'ici, simples escarmouches, engagements d'avant-garde. Maintenant, c'était la lutte à mort entre toutes les forces qui s'étaient affrontées, et Raoul s'y présentait, lui, les mains liées, la corde au cou, et avec ce surcroît d'affaiblissement que lui causait l'arrivée de Clarisse d'Étigues.

« Allons, se dit-il, j'ai encore beaucoup à apprendre. Cette situation affreuse, j'en suis à peu près responsable, et ma chère Clarisse une fois de plus est ma victime. »

La jeune fille demeurait interdite sous la menace du revolver que Léonard tenait braqué. Elle était venue allégrement, comme on vient, un jour de vacances, à la rencontre de quelqu'un que l'on a plaisir à retrouver, et elle tombait au milieu de cette scène de violence et de crime,  tandis que celui qu'elle aimait demeurait en face d'elle, immobile et captif.

Elle balbutia :

– Qu'y a-t-il, Raoul ? Pourquoi êtes-vous attaché ?

Elle tendait ses mains vers lui, autant pour implorer son aide que pour lui offrir la sienne. Mais que pouvaient-ils l'un et l'autre !

Il remarqua ses traits tirés et l'extrême lassitude de tout son être, et il dut se retenir de pleurer en pensant à la douloureuse confession qu'elle avait faite à son père et aux conséquences de la faute commise. Malgré tout, il lui dit, avec une assurance imperturbable :

– Je n'ai rien à craindre, Clarisse, et vous non plus, absolument rien. Je réponds de tout.

Elle jeta les yeux sur ceux qui l'entouraient, eut la stupeur de reconnaître Beaumagnan sous le masque qui l'étouffait, et interrogea timidement Léonard :

– Que me voulez-vous ? Tout cela est effrayant... Qui m'a fait venir ici ?

– Moi, mademoiselle, dit Joséphine Balsamo.

La beauté de Josine avait déjà frappé Clarisse. Un peu d'espoir la réconforta, comme s'il ne pouvait lui venir de cette femme admirable que de l'aide et de la protection.

– Qui êtes-vous, madame ? Je ne vous connais pas...

– Je vous connais, moi, affirma Joséphine Balsamo, que la grâce et la douceur de la jeune fille semblaient irriter, mais qui dominait sa colère. Vous êtes la fille du baron d'Étigues... et je sais aussi que vous aimez Raoul d'Andrésy.

Clarisse rougit et ne protesta pas. Joséphine Balsamo dit à Léonard :

– Va fermer la barrière. Mets-y la chaîne et le cadenas que tu as apportés, et redresse le vieux poteau tombé, où il y a une pancarte : « Propriété privée. »

– Dois-je rester dehors ? demanda Léonard.

– Oui, je n'ai pas besoin de toi pour l'instant, dit Josine d'un air qui terrifia Raoul. Reste dehors. Il ne faut pas que nous soyons dérangés... À aucun prix, n'est-ce pas ?

La Comtesse de Cagliostro  (COMPLETE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant