3 : Tourments

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Je m'assoie sur le bord de mon lit et attrape la même photo de nous deux, celle que je regardais fixement la dernière fois dans sa chambre. Elle est encadrée et en meilleur état que la sienne. Cette photo, nous l'avions prise lors d'un après-midi alors que nous jouions au foot dans son jardin. Il n'a jamais aimé le sport mais avec moi il faisait toujours des efforts. C'est probablement la première et la dernière fois qu'il en a fait parce qu'il s'est pris le ballon en pleine tête. Il a perdu l'une de ses dents de lait. Il a tellement pleuré que j'ai dû le faire rire pendant dix minutes pour qu'il oublie la douleur. Finalement sa gencive a arrêté de saignée et nous avons pris cette photo, d'où le sang qui maccule son tee-shirt.

Je repose le cadre et m'approche doucement de ma fenêtre. De la lumière sort de sa chambre mais je ne vois personne à travers. Ils doivent être sur son lit. J'ouvre ma fenêtre pour prendre l'air et tire une cigarette de mon paquet dans la poche de mon jean. Une mauvaise habitude que j'ai pris il y a un an en suivant les mecs de terminale. Je sais que ce n'est pas très bon pour moi mais au fond, qu'est-ce que j'en ai à foutre. La musique me monte à la tête, je n'aurais jamais dû organiser cette stupide fête où je n'ai fait aucune apparition.

Je ne supporte plus mes sentiments pour lui. Ils me détruisent depuis que j'ai dix ans. Je fais des cauchemars toutes les nuits en le voyant se faire rouer de coups constamment ou alors je lui dis ce que je ressens et il m'envoie clairement balader. Mes cauchemars sont le reflet de ce que je ressens vraiment, un rappel constant sur les ignominies que je lui fais endurer. À cause de ça, j'ai une peur bleue de me faire jeter.

À onze ans, je pensais être une erreur de la nature, je ne trouvais moi-même pas ça normal mais j'ai eu beau chercher à voir ailleurs juste pour me faire une raison, je n'ai jamais trouvé d'intérêt chez les filles. Et pourtant j'ai essayé, je vous assure, je suis même sortie avec une dizaine de fille, mais aucun vrai désir n'en découlait, Victor occupait toutes mes pensées. Tout ça n'a fait qu'alimenter les rumeurs à mon sujet, les filles propageaient mes louanges alors que j'étais le pire des amants.

Le regard perdu sur le mur d'en face, il me faut un moment pour comprendre ce que mon œil perçoit à travers la fenêtre. Léa apparait sur le bord du lit de Victor mais je ne le vois toujours pas. Tournée vers moi, Léa affiche un air visiblement amusé. J'aimerais tellement savoir ce qu'ils se disent. Ils sont tellement fusionnels, que j'en suis jaloux. Je ne me rappelle pas que Victor et moi puissions être amis comme ça. Je sais qu'on était très proche mais pas delà à prendre notre bain ensemble quand on avait moins de quatre ans. Bon Léa et Victor se connaisse depuis environ trois ans, ce n'est pas comparable, mais cette fille a toujours su faire ce que je n'ai jamais entreprit : se lier d'amitié avec lui et de le protéger quoi qu'il arrive. J'ai échoué lamentablement dans mon rôle de meilleur ami à la minute où il a eu le plus besoin de moi.

Elle montre soudainement ses incroyables dents blanches dans un sourire qui en dit long et je voudrais savoir de quoi elle se moque. À mon avis, elle lui a sortie quelque chose de drôle qui l'agace. Ça ressemble tellement à Victor de s'emporter pour peu.

Je vois apparaitre les bras de mon voisin autour de la taille de la jeune fille qui se retrouve très vite dans les airs. Elle se débat tellement qu'il la lâche et elle en profite pour courir à l'autre bout de la chambre, puis ils disparaissent dans le couloir.

Quand Victor revient, son sourire illumine son visage. Mais quand il rencontre mon regard à travers la fenêtre, sa joie se fane, son sourire disparait et il reste comme ça jusqu'à ce que Léa revienne dans la pièce et me fixe à son tour. La jeune fille parle et à mon avis, que de moi. Je sais que j'ai été méchant, mais de là à parler sur mon dos. Il tourne la tête pour lui répondre. Il faut que j'arrête de le dévisager comme si j'allais le bouffer, alors je sors de l'encadrement de ma fenêtre et la referme pour me coucher dans mon lit, Jules s'en sortira très bien sans moi.

J'ai Le Droit Aussi... - Le Secret D'une VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant