Prófugos (Première partie)

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Les mois se suivaient et se ressemblaient depuis l'incendie. La vie avait repris son cours mais je restais tout de même très marquée par les récents événements. J'essayais de soutenir tant bien que mal ma marraine malgré mon emploi du temps chargé. Elle me conseillait souvent de privilégier mes obligations professionnelles et mes études. Elle ne s'inquiétait pas de son sort, elle pensait mériter sa perte de vue. De mon coté, j'avais décidé d'arrêter définitivement le roller, je n'avais plus les mêmes ambitions qu'autrefois. La danse sur patin me passionnait mais comme pour toutes les autres activités que j'avais pratiqué jusqu'alors mon but avait toujours été d'être la meilleure. J'avais perdu de vue le plus important: l'amour de la discipline exercée. De même pour le chant, mon envie s'était éteinte comme les dernières flammes qui avaient ravagé la résidence. Aujourd'hui, je préférais nettement m'occuper de la gestion de la piste en collaboration avec Vidia. En côtoyant la maman de Nina, je me suis rendue compte que sa réussite dans le monde du droit m'inspirait. Elle avait été de bons conseils et m'avait longuement détaillé son cursus lorsque je lui avais posé des questions. L'année suivante, j'avais décidé de m'inscrire en droit. Dès les premiers cours, j'avais compris que je ne m'étais pas trompé. J'étais heureuse et épanouie dans mes études, dans mon travail et dans mon couple. Simon et moi filions le parfait amour depuis une belle année maintenant, il m'encourageait pour chaque nouveau projet que je lui présentais. Nous étions en harmonie. Il travaillait toujours comme serveur au roller et vivait encore à la résidence avec Pedro. Pour ma part, une fois ma première paye en poche, j'avais décidé, avec l'accord de mon grand père, de partir. Grâce à ces quelques relations dans l'immobilier, j'avais trouvé rapidement un petit appartement dans le centre de Buenos Aires. Il était petit mais me suffisait amplement. Grâce à Simon et à mes fidèles amies Delfina et Jasmin, j'avais réussi à façonner l'endroit à mon image. 

Aujourd'hui, grand père m'avait prié à me joindre à lui pour le diner. Il me reprochait de ne plus accorder assez de temps à la famille. Il avait raison mais l'organisation du dernier open et l'approche de mes partiels ne me laissaient aucun répit. Devant sa mine décomposée, j'avais tout de même accepté de venir le voir. Alors que j'enfonçai mes clés dans la serrure de la porte de la cuisine, des cris parvinrent à mes oreilles. J'ouvris la porte et découvris un spectacle qui me laissa sans voix. Matteo maintenait mon amoureux contre le mur par le col. Il était à deux doigts de le frapper violemment. Il insultait son ami de tous les noms d'oiseaux connus à ce jour. Ma cousine, quand à elle, essayait de les séparer mais sans y parvenir. J'étais choquée par la scène qui se déroulait sous mes yeux. Mais un détail étrange me percuta; Simon semblait se laisser faire. Il avait la tête baissée et le regard perdu dans le vide. On aurait dit qu'il attendait son châtiment. Je le connaissais bien maintenant, il y avait des regrets dans ses yeux. Sa position indiquait qu'il laisserait Matteo le passer à tabac si l'envie lui en prenait. Pourquoi mon fiancé ne se défendait-il pas? Plus important encore, pourquoi les deux bons amis se disputaient-ils? Finalement, les hurlements stridents de Luna me ramenèrent à la réalité. Je devais empêcher une potentielle bagarre d'éclater. Je me précipitais aux cotés de ma cousine et me glissais entre les corps des deux garçons.

-  Assez! Arrêtez tout de suite de vous battre! Vous avez oublié que vous êtes amis les garçons.

-  On était amis Ambre! Au passé putain! Bouge de là et laisse moi régler mes comptes avec ce fils de chien! Hurla Matteo en mon attention.

Matteo avait toujours eu un fort caractère. Mais depuis quelques temps, grâce à sa relation avec ma cousine, il avait réussi à canaliser son impulsivité. Nous avions été très bons amis durant des années, je parlais en connaissance de cause. Lorsque nous nous étions connus, il était un jeune garçon solitaire qui ne cessait de déménager à cause des choix de ses parents. A son arrivée en Argentine, il ne parlait à personne et semblait en colère contre la terre entière. Il ne supportait pas les regards interrogateurs de nos camarades face à son attitude renfrognée et à son mutisme et avait parfois des réactions violentes à l'encontre des plus curieux d'entre eux. Ses écarts de conduites lui avaient valu bon nombre d'heures de retenus et quelques conseils disciplinaires. Cependant, l'école avait fait le choix de le garder car il avait de bons résultats scolaires et des parents très influents. Finalement à cours de punitions, le proviseur du Blake avait décidé que le problème de Matteo résidait dans son incapacité à s'intégrer. Il avait alors convenu que j'étais la mieux placée pour l'aider à se faire des amis. A l'époque déjà, les gens suivaient mes opinions. Dans un premier temps, j'avais refusé. Mais ma marraine mise au courant de la situation, en avait décidé autrement. Contre mon gré, nos emplois du temps avaient été modifiés. Les professeurs avaient revu la disposition des places si bien que nous étions en binôme pour chaque cours. Je ne voulais pas que mon nom soit associé au sien car il n'avait pas bonne réputation. Mais à mesure que j'apprenais à le connaître je l'appréciais. Matteo était charmant, il n'avait pas eu de mal à me faire tomber amoureuse de lui. Nous avions les mêmes centres d'intérêt, le même goût pour la compétition, le même niveau d'exigence. J'avais trouvé mon alter-égo masculin, notre relation me comblait de bonheur. 

Prófugos OS MambarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant