Chapitre 10

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Il est vrai que ma vie en ce moment ne ressemble plus réellement à celle que j'avais il y a un mois. Désormais, j'ai l'impression de plus profiter de chaque chose qui fait mon quotidien. Je profite de chaque instant, en me disant que je dois le vivre comme si c'était le dernier. Papa résonnait ainsi, je veux prendre exemple sur lui.

Vouloir de par moi-même m'en sortir, aller mieux, a été l'étape la plus difficile. Il est vrai que lors d'un deuil, on voudrait se retrouver n'importe où, sauf sur terre. C'est la réalité, tout semble se consumer autour de nous. J'en venais même à envier le bonheur des autres, car oui, mon monde s'était arrêté. Plus rien ne tournait rond. Je me suis réveillée sur un lit d'hôpital, suite à un malaise. Ce malaise était tout simplement dû au choc émotionnel de l'annonce du décès de mon père, c'était un malaise vagal plus précisément. Pour être complètement transparente, je ne me souviens même plus de l'annonce. Je me souviens uniquement de mon réveil et de la douleur qui persistait dans mon abdomen. Cette boule au ventre, les larmes qui ruisselaient sans cesse sur mes joues, et cette sensation de coeur brisé.

Repenser au jour de son décès me fera toujours autant de mal. J'étais trop jeune pour perdre mon papa. Égoïstement, j'ai toujours espéré mourir avant mes proches. Même si ça n'était pas forcément dans l'ordre des choses. J'aurais tellement préféré partir à sa place, ce jour-là. C'est égoïste, car je sais qu'il en aurait terriblement souffert, mais un homme bon comme lui méritait de vivre ! Je ne devrais pas penser à de telles choses. Mais au fond de moi, j'avoue y avoir déjà songé, et si ça avait été moi à sa place, la vie aurait-elle suivi son cours ? Pour papa ? Pour maman ? Non... Je ne peux pas penser à de telles choses. Le destin a décidé que ce jour-là, papa allait nous quitter, et rien de ce que j'aurais pu faire n'aurait changé le cours des choses.

Évidemment, j'ai toujours de grosses journées de questionnements, mais je pense avoir fait pas mal de chemin. Il y a un mois, je n'aurais jamais accepté de sortir, faire des soirées... Je restais cloîtrée dans ma chambre, à espérer que le bonheur me frappe à nouveau. Maintenant, je veux être la maîtresse de mon bonheur. Je ne peux pas rester continuellement dans mon monde, éloigné de toutes bonnes choses.

— Tu sors encore ce week-end ? me dit maman, l'air contrariée
— Oui maman, mais je te promets que cette fois je n'oublierai pas le message !
— Tu as intérêt Loulou ! Et ne bois pas au point d'être malade comme la dernière fois, répond-elle, légèrement sur la défensive.

Je ne relève pas. Elle n'a pas la certitude que j'ai été malade la dernière fois mais s'en doute. De toute façon, cette fois je ne compte pas boire autant. J'ai accepté d'aller à cette soirée uniquement pour voir Émily, et retrouver la sensation de bien-être que j'ai ressenti la dernière fois. Sans alcool. Je ne ferais pas la même erreur deux fois.

Je suis juste angoissée à l'idée de revoir John. Il s'est peut-être fait des idées concernant ce baiser l'autre fois, et si c'est le cas je ne suis pas du tout en mesure de lui apporter ce qu'il attend de moi. Je n'ai aucune certitude pour le moment, mais il m'a tout de même envoyé au moins trois messages pour me demander si c'était toujours bon ce week-end. Je laisse la place au doute en me disant que c'est simplement parce qu'il avait besoin de s'organiser. Après tout, c'est chez lui, et il a besoin de savoir le nombre de personnes qui seront présentes. J'espère juste qu'il n'attend rien de ma part.


Devant le lycée, de nombreuses personnes discutent et fument des cigarettes. Cette odeur me donne des nausées, surtout du matin. Je ne sais pas comment font les gens qui fument du matin. Beurk. Je vois d'autres personnes se chamailler, tandis que d'autres révisent sûrement pour une évaluation dans la journée. Les professeurs ne perdent pas de temps, et dès la deuxième semaine, des évaluations sont déjà prévues dans certaines matières. Je passe la grille à moitié rouillée et rejoins Lorenzo, Luana et Elsa. Je suis contente de voir que Lorenzo reste avec nous désormais. Il manquait une touche masculine dans notre groupe.

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