Rebelle

"CHAPITRE 1"

Je souris innocemment à Mme. Rives, ma prof de français, qui se frotte le bras, à l'endroit où ma boule de papier l'a atteint. Mon tir est parfait, comme toujours. J'ai toujours refusé de faire de sport en club, je suis un solitaire, mais j'entraîne mon corps depuis que je suis petite. J'aime sentir mes muscles brûler sous l'effort, courir à en perdre haleine, étirer et faire pousser à bout mes membres. J'aime courir les cheveux détachés, les voir flotter dans mon dos comme un rideau indomptable de feu.

- QUI A FAIT ÇA ? tempête la prof, furieuse.

Un instant, la peur d'être dénoncée me frôle, mais personne ne parle. Je ne suis là que depuis 2 jours, mais j'ai déjà fait régner le respect. Le Lycée St Exupéry est mon 12ème établissement depuis mes 12 ans, où tout à dérapé.

J'esquisse un sourire satisfait quand la prof se retourne vers le tableau en soupirant. Je fais une bulle de chewing-gum et contemple mes ongles peints en rouge vif. Je porte un perfecto en cuir noir, un chemisier rouge pâle et un jean moulant noir, ce qui détonne avec les uniformes stricts des autres élèves. Mes longs cheveux rouges et bouclés sont la chose que je préfère chez moi. Ils reflètent toute ma personnalité, et complete à la perfection mon look. Mon oreille gauche est percée à trois endroits différents, j'ai un piercing au nombril, qui n'a pas été dur à obtenir en mentant sur mon âge. Le vendeur tatoué n'a pas vraiment été choqué de voir une gamine de 14 ans débarquer dans sa boutique en se présentant comme majeur. Les 200 euros que je lui ai présentés devaient y être pour quelque chose...

Je suis ce que les gens pensent de moi : je suis la délinquante, la fille qui se fiche de tout, qui a une famille de cinglés, à moitié recomposée, qui a de mauvaises notes et qui est vraiment pas fréquentable. C'est vrai. Et tant mieux.

On a beau me convoquer, me punir, me coller, je reste fidèle à mes règles : n'obéir qu'à ma propre lois.

Avant je n'ai jamais été la petite adorable, qui coiffait ses Barbies, est gentille avec tout le monde et fait des couronnes de fleurs.

J'ai grandis avec 5 frères, ça aide pas à être féminine. Bagarre, jeux vidéo, sorties en forêt, tout ça à toujours été mon univers.

Au début, j'ai cru que c'était parce que j'étais une fille que Lucas, Nathan, Matteo, Liam et Hugo me détestaient. Mais il y a eu Eadleen. C'était une fille, comme moi, mais si délicate, si belle, si blonde et si lumineuse...

J'étais le garçon manqué, la fille élevée dans la violence, la saleté et les crises, celle qui n'avait jamais connu son père.

Mes 5 aînés étaient vrais frères, tandis que j'étais seule, invisible, sans parents.

Maman a dit que Louis était l'homme de sa vie. Le deuxième et dernier, c'était Derek, le père d'Eadleen. Moi j'étais juste "l'accident", le résultat d'une fête entre adulte qui avait mal tourné.

A force qu'on me balance ça tranquillement au visage, j'ai développé un feu intérieur, un truc qui me ronge et me met en rage. Alors j'ai tout fait pour me faire remarquer. Les 11 renvois d'établissements. La tenue. Les convocations. Les mauvaises fréquentations. Les piercings et les teintures. Tout cette mise en scène pour rien, alors que Maman n'a jamais rien fait, mis-a-part de me réinscrire dans de nouvelles écoles. J'ai hurlé, cassé, pleuré, elle n'a jamais rien dit. Elle ne s'est pas énervé, comme je l'ai tellement souhaité. J'étais sûrement maudite jusqu'à la moelle...

Eadleen était différente de moi. Une vraie fille, qui porte des jupes et des collants. Avec un père, Derek, ou mon beau-père.

Quand elle est née, je n'ai pas compris qu'elle était comme moi. Je l'ai détesté du plus profond de mon être, et j'ai secoué son berceau et balancé ses jouets plus d'une fois. Je la haissais d'hérité de tout ce que je n'avais pas eu. Tout le monde l'aimait, et on aurait pu être amies, étant donné qu'on avait que 3 ans de difference, mais je lui ai toujours tourné le dos.

Mais quand je l'ai vu exploser un verre d'eau dans sa chambre en secret et cacher de la nourriture dans ses chaussettes, j'ai compris. Compris qu'elle était comme moi.

Elle aussi était brisé, à sa façon. Je me masquais derrière un sourire de rebelle, une carapace de dur, mais j'étais aussi perdue qu'elle. Sous ses boucles blondes angéliques, elle aussi était mal. Elle était anorexique.

Tout le monde lui mettait tellement toujours la pression, pour la voir belle, polie, intelligente et mince, qu'elle avait cedée et finit par cesser de s'alimenter.

Elle n'a pourtant jamais voulu de la tendresse de ses deux parents qui se mettaient en 4 pour la soigner.

Elle n'en avait que pour moi et nos conversations animées. C'était ma petite sœur, ma meilleure amie, ma compagne de jeux, la seule supportable dans cette famille. Elle s'entraînait dur pour m'égaler, avait toujours des idées formidables et un esprit bien plus vivace que tous mes idiots de frères réunis. Elle adorait les bracelets en pâquerette et en portait toujours un au poignet. Il lui manquait deux dents de devant, ce qui lui donnaitun air encore plus adorable. Elle coiffait toujours ses longs cheveux blonds en tresse.

Quand j'étais avec elle, je redevenais une petite fille de 12 ans qui chante en courant dans les champs, porte des bracelet de fleurs et qui oublie tout, l'espace d'un instant.

Soudain, la porte de la classe s'ouvre à la volée.

La principale entre dans la pièce, ses yeux noirs troublés. Son regard tombe sur mon apparence et je vois ses lèvres se crisper.

Elle va me convoquer ! je pense avec joie.

-Je viens chercher Miss Lissing...

Bingo !

J'esquisse un sourire carnassier et je me lève, les regards des autres élèves braqué sur moi.

Nous traversons des couloirs et elle pousse la porte de son bureau. Elle me fait signe de m'assoir dans la salle d'attente et je jette un regard à travers l'entrebaillement.

Et puis, un instant, je la vois. Elle agite sa main ornée de paquerettes et faire voler ses boucles blondes.

Mais elle disparait, laissant place à un garçon.