"BEFORE"

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Je vois mon père arriver, trempée par l'orage qui gronde dehors.

Maman se lève d'un coup de sa chaise et laisse échapper un petit cri, secouant au passage la petite table à manger du salon. 

Eadleen, ma petite soeur, fremit et secoue ses couettes blondes.

Les petits pois volent dans mon assiette et je la serre contre moi en observant l'homme qui nous fait face.

Il a le regard dans le vague, son nez est rougi - et surement pas par le froid -, ses cheveux blonds dont j'ai hérité sont sales et collent à son front.

Ça fait au moins une semaine qu'on ne l'a pas vu. Tant mieux.

Maman sourit vaillament, mais nous savons tous ce qui va suivre.

- D-Donne la moi, balbutie mon père d'une voix pateuse.

Je sens l'horreur et le dêgout s'insinuer en moi comme un poison et je vois Maman donner fébrilement sa ceinture à mon père.

Puis je ferme les yeux, ce qui ne m'empêche pas d'entendre vibrer au plus profond de mon corps le hurlement de douleur de ma mère.

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- Malade.

Le verdict est tombée comme une masse. Le médecin se mord la lèvre.

- Ça doit faire 2 mois qu'elle a cessé de s'alimenter. C'est grave.

- E-Elle va survivre ? demande ma mère d'une petite voix.

Le docteur ne répond pas.

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Je vois le petit corps maigre de ma soeur se convulser sous les draps blancs d'hopital.

Ma mère sanglote silencieusement et je prends les mains d'Eadleen dans les miennes. Elle sont si pales que sa peau est presque transparente.

- Je t'aime Eadleen. Il faut que tu restes. Pour moi.

- Je ne peux pas, chuchote ma soeur.

Sa voix tremble et est à peine perceptible.

- Tu es forte, Eady. Tu peux le faire.

Des larmes coulent sur mes joues.

- Ce sera cette nuit se contente de murmurer Eadleen.

Elle avait raison.

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- Il faut prévenir le père, décrête un médecin.

Personne ne répond. Ça fait 2 semaines qu'il est partit pour boire. C'est très fréquent chez lui : on ne le voit pas pendant plusieurs jours puis il revint, histoire de se défouler sur Maman, puis il repart.

- Non, finit par dire Maman. NON !

Elle hurle, penchée sur le petit corps sans vie de ma soeur.

- Tout ça, c'est de sa faute.

Son hurlement s'est mué en un mince filet de voix.

- Tout ça, c'est de ta faute !

Elle m'agrippe sans prévenir une mèche doré et tire dessus.

- J'aurai préféré que tu meures à sa place, me chuchote-t-elle, la bouche plaquée sur mes oreilles.

Je ne dis rien. Depuis qu'Eadleen est partie,  j'ai l'impression d'être un pantin sans vie. Je ne sens même pas la douleur quand ma mère m'arrache un morceau de cheveux.

Je regarde mes frères qui ne lèvent pas le petit doigt pour faire cesser la situation.

Je sais que c'est la dernière chose serieuse que Maman me dira.

Je sais que Papa ne reviendra pas, cette fois.

Je sais que tout va changer.

RebelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant