Nous ne voulons plus de vous

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Douze ans.

Agamemnon peinait à rassembler de façon cohérente les images qu'il gardait de l'interminable siège qu'il avait dirigé en unissant les royaumes grecs contre Troie. Il se souvenait des remparts infranchissables où s'alignaient archers et mages, des batailles confuses où acier, sueur, sang et magie s'entremêlaient, de l'insubordination d'Achille, de la mort d'Hector, de la violence de Néoptolème malgré son âge, des paroles adroites d'Ulysse, bien qu'elles soient détachées de leur contexte, des maladies, et des flammes, celles qui ont menacé ses navires, emporté des sacrifices, dont sa propre fille et surtout celles qui ont dévoré Troie.

Mais une autre image restait gravée dans la mémoire du roi. C'était il y a douze ans, peu avant le départ de la flotte grecque pour Troie. Un petit navire, usé par le temps, contenant les plus faibles renforts qu'aucun royaume n'ait offert au roi de Mycènes.

Le demi-nain aurait pu comprendre cela d'un petit royaume affaibli souhaitant obtenir la gloire d'avoir aidé à la chute de la cité d'Anatolie, mais la voile du vaisseau indiquait l'inverse : indigo avec une colonne turquoise jaillissant d'une montagne, l'emblème de l'Atlantide !

Tous, sans exception, connaissaient ces îles jumelles de l'autre côté des Colonnes d'Héraclès (1). Un royaume aussi grand que tout les royaumes grecs unis, la réputation de sa flotte n'était plus à prouver : des navires fiers et puissants, résistants à la houle comme aux flèches, ainsi que des soldats en armes et armures dorées capables de jeter des sorts avec habilité.

Mais les renforts arrivés ce jour-là n'avaient rien à voir avec ce portrait : une cinquantaine d'hommes, une moitié était trop vieille pour se battre, l'autre inexpérimentée, sur un bâtiment qui faisait presque honte à la navigation.

Afin de demander des comptes, le roi avait fait appel à Nestor, afin de profiter de son expérience avec les Atlantéens, et de Néoptolème, qui avait vécu au palais d'Atlantis. De plus, de par son grand-père, Nestor était en partie ydaris, ce peuple sous-marin et, Néoptolème, elfe, grâce à sa grand-mère Thétis. Les atlantéens ont un grand respect pour les magiká, peut-être cela aidera-t-il à obtenir des informations claires sur l'inaction du roi Khêll.

[...]

Après plusieurs jours de voile et avoir dépassé les Colonnes d'Héraclès, séparant l'Atlantique et la Méditerranée, il fallu aux trois navires encore quelques heures pour apercevoir les montagnes fleuries, ces hauts reliefs toujours recouverts de fleurs incroyables, que ce soit au sol ou dans les arbres, à toute période de l'année. Furent également visibles de nombreuses patrouilles de navires que le monde connu jalousait : massifs, mais incroyablement rapides avec leurs voiles complexes, équipés d'armes suffisamment puissantes pour envoyer un javelot percer la coque de n'importe quel vaisseau, sauf les leurs, trop résistants.

Après ce qui sembla une éternité aux rois, ils parvinrent devant les célèbres grilles qui fermaient le bras de mer séparant l'île principale, où était bâtie la capitale, et la plus grande île. Le jeune hybride elfe s'impatienta, il pensait que le passage de sa compagnie était une évidence, mais les gardes mirent du temps avant d'accepter d'ouvrir le passage après avoir appris leur noms et leur requête. Lorsque les grilles permirent leur passage, le fils d'Achille était prêt à rugir d'indignation, ainsi qu'Agamemnon qui n'appréciait pas l'irrespect de ce peuple du bout du monde ; seul Nestor admirait la flore gracieuse et l'architecture délicate de l'île magique : la grille semblait avoir été tressée par un géant perfectionniste, elle bougeait sans bruit, tendue entre des murs depuis les deux îles. Les remparts avec leurs contreforts défiant la mer. Les maisons semblant flotter sur de fines fondations. Les arbres aux longues feuilles. Des oiseaux aux multiples paires d'ailes accompagnés d'aviaires, des hommes-oiseaux.

Nous ne voulons plus de vous.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant