Chapitre Trois

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Mais un jour, quelqu'un a pris la place de Gaspard à la cantine.

Quand Léopoldine est rentrée dans la cantine ce jour là, il y avait un brouaha pas possible, Gaspard avait paniqué et il avait laissé tomber son plateau au milieu du réfectoire avant de s'enfuir en courant. Léopoldine a demandé à tout le monde si quelqu'un savait où il était parti, mais personne n'a su lui répondre. Elle a alors fouillé les moindre recoins du lycée jusqu'à le trouver. Il était au fond de la bibliothèque, derrière une vieille étagère pleine de poussière. Il avait mis son casque sur ses oreilles et il triturait un trombone entre ses mains. Léopoldine a mis longtemps à le calmer. Ce jour-là, elle a séché les cours de l'après-midi pour rester cacher au CDI avec Gaspard. Les surveillants ont appelé leurs parents pour signaler leur absence. Ce n'est qu'en milieu d'après midi qu'on les a retrouvé. Gaspard, toujours en train de triturer son trombone racontait une histoire qu'il avait lu à Léopoldine, qui avait posé sa tête sur son épaule après lui avoir demandé l'autorisation. Ils ont dû aller chez le proviseur. Léopoldine s'est fait gronder et priver de sortie, ça l'a fait bien rire, puisqu'elle ne sortait plus avec ses copines depuis plusieurs mois. Gaspard s'est fait grondé aussi, mais plus légérement, parce qu'il ne controlait pas ses crises. Les parents de Gaspard ont remercié Léopoldine des dizaines de fois. Les parents ont discuté entre eux pendant que nos deux enfants attendaient dans le couloir. Les adultes sont sortis, le père de Léopoldine avait un dossier entre les mains. Il lui a remis dans la soirée en lui disant « Ce sont des choses que les parents de Gaspard nous ont dit à propos de lui, de comment tu peux l'aider dans la vie de tout les jours, sur comment tu dois réagir dans telle ou telle situation. Honnêtement, je ne suis pas sûr qu'il ai une bonne influence sur toi, mais temps que tes notes restent bonnes et que vous ne séchez plus jamais les cours, je pense que tu peux rester ami avec lui. Tu lui fais du bien, je crois ».

Et depuis ce jour-là, Gaspard et Léopoldine ne se sont jamais quittés. Gaspard a pris l'habitude de dire qu'ils étaient comme une paire de chausettes, toujours ensemble. Cela faisait beaucoup rire Léopoldine qui, sous sa paire de Doc Martens, ne portait jamais les deux mêmes chausettes. Léopoldine s'est adapté à Gaspard. Elle porte les mêmes couleurs que lui les mêmes jours. Les autres enfants se moquent d'eux, mais honnêtement, c'est le cadet de leur soucis. Gaspard n'a jamais fait attention au regard des autres, c'est dans son caractère, il s'en fiche. Mais pour Léopoldine, ça a été plus dure, surtout quand Elodie a commencé à rigoler en les voyant ensemble. Elle en a pleuré pendant plusieurs jours, déçue d'avoir pû être amie avec cette fille. Puis elle a décidé de faire comme Gaspard, de n'en avoir rien à faire. Gaspard a refait plusieurs crises, une à cause d'un élève qui l'avait bousculé, une autre à cause de l'alarme incendie, mais notre Léopoldine a su les gérer et calmer son ami, telle l'héroine qu'elle est. Un jour, pendant une crise, Léopoldine a pris la main de Gaspard dans la sienne, et ça l'a calmé, plus rapidement que d'habitude. Alors maintenant, ils se tiennent la main, souvent. Gaspard aime bien, c'est un peu comme si il avait une encre, un point de repère ou quelque chose comme ça. Ça le rassure.

Aujourd'hui, c'est la Saint-Valentin. Très niais, on est d'accord. Mais à Pluie, pour la Saint-Valentin, il y a une fête forraine. Une fête forraine en plein hiver, c'est pas la meilleure des idées mais bon, ne cherchons pas à comprendre. Cette ville ne tourne pas rond. Gaspard a proposé à Léopoldine de l'accompagner à cette fête, et comme elle n'est plus privée de sortie, elle a accepté, tout de même surprise qu'il veuille aller à un événement avec autant de monde. Léopoldine n'était pas trop sûre que ce soit un rendez-vous mais elle a quand même mis une robe rouge – on est vendredi – et elle a attaché ses cheveux dans une jolie queue de cheval. Elle rejoint Gaspard devant le stand de barbapapa. Il est tout beau, lui aussi, il a mis une chemise rouge.

« - J'aime pas trop les manèges, tu sais ? Alors si tu veux, on peut prendre une barbapapa ?, demande-t-il, embarassé.

- Oui, bien sûr, c'est parfait, j'adore les barbapapa.

- Parfait. »

Quelques minutes plus tard, Gaspard revient vers Léopoldine avec une énorme barbapapa rose. Il lui propose de l'emmener quelque part. Dans son petit coin secret, annonce-t-il à Léopoldine. Un endroit où il n'a jamais emmené personne. Mais il pense que Léopoldine peut le voir parce qu'il a confiance en elle. Léopoldine se retient de verser une larme à ces mots. Nos deux enfants passent, main dans la main, derrière la grande roue, ils se faufilent entre les caravanes des forrains et arrivent dans un petit parc à l'abandon. Gaspard entraine Léopoldine derrière un arbre. Il y a comme un creux dans le sol, il est rempli de feuilles mortes. Gaspard s'y installe et invite Léopoldine à s'assoir avec lui. C'est confortable, étonnament. L'énorme tas de feuille ressemble à un matela rempli de plumes. Gaspard incite Léopoldine à regarder le ciel. C'est à couper le souffle. Le ciel est couvert de milliers d'étoiles, entourées par les branches de l'arbre. Léopoldine arrive même à distinguer la grande ours, la seule constellation qu'elle connaisse. Ça ressemble à une de ces photos de fond d'écran qu'on trouve sur internet. Léopoldine se décide à briser le silence :

« - C'est magnifique, Gaspard. C'est comme si on était hors du temps.

- Exactement, c'est pour ça que j'aime tant être ici.

- Mais pourquoi tu m'as emmené ?

- Parce que je voulais te montrer mon univers. Regarde comme c'est beau."

Gaspard se tourne vers Léopoldine, il l'observe quelques secondes avant d'ajouter :

« - Enfin, pas autant que toi, mais bon.

- Oh... Je... Merci. Je- Je peux te faire un bisous ? Sur la joue ?, demande Léopoldine, les joues rosies. »

Gaspard hoche la tête et Léopoldine dépose un bisous sur sa joue, doucement, pour ne pas le brusquer. C'est tout doux. C'est agréable.

« - Tu crois qu'on pourrait être amoureux ? Comme dans les livres ?

- Je crois bien, oui, répond Léopoldine en riant. »

Et c'est ainsi que s'achève notre histoire. Celle de Léopoldine et Gaspard n'est pas finie, je vous rassure. Mais c'est ici qu'on s'arrête, sous les étoiles, avec nos deux enfants amoureux. Nos deux enfants vétus de rouge. La tête de Léopoldine est posée sur l'épaule de Gaspard et leurs mains sont enlacées, parce Léopoldine est l'ancre de Gaspard, après tout. Ils regardent le ciel, mais il y a plus d'étoiles dans leurs yeux que là-haut. Ils sont beaux.

Oh ! Autre chose : une fois, Léopoldine a dit quelque chose à Gaspard que ce dernier n'oubliera jamais : « Tu sais quoi, Gaspard ? J'ai une théorie. Je crois que vous, les autistes, vous êtes des gens normaux, et que c'est nous les gens étranges. Parce qu'honnêtement, t'es bien plus cool que tout les gens que je connais ».

FIN

Barbe à PapaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant