Dernier bonus

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Quatorze années sont passés depuis la dernière fois que quelqu'un était rentré. Elle comptait les jours. Ce nombre était approximatif. Ses forces étaient revenus depuis longtemps, ses plaies s'étaient refermées, mal mais elles n'étaient plus ouvertes. Son « habitat » n'avait toujours pas changé. Cette pièce serait peut-être sa tombe.

L'autre femme l'avait sûrement oublié, c'était mieux comme cela. Elle vivra seule toute sa vie. Il faut mieux ça que de subir sa colère et ses coups tous les jours. Même, les gardes étaient partis. Ces derniers ne connaissaient ni l'âge, ni l'identité de la prisonnière. Ils avaient juste reçu l'ordre au début de rester ici.

Elle avait pensé plusieurs fois au suicide. Mais, comment peut-on mettre fin à ses jours dans une situation comme celle-là ? A part attendre que la faim l'emporte, il n'y avait rien. Seul problème, elle voulait partir sans souffrance pour contraster avec sa pauvre vie.

Au fil des années, les hivers étaient devenus de plus en plus froids et les étés de plus en plus chauds. Cette différence faisait souffrir la jeune femme. Son seul vêtement était une sorte de robe qu'elle avait depuis des années. Complétement détruite.

Un seul mot n'était pas sorti de sa bouche depuis toutes ses années. Elle ne savait même plus comment parler, articuler ou même s'exprimer. Cela ne la dérangeait pas vraiment, elle s'y était habituée.

Ses yeux se refermèrent. Ses paupières étaient lourdes. Ce fut instinctif, elles devaient se fermer et ne pas s'ouvrir avant un très long moment. C'était probablement toute la fatigue de la vie.

La porte s'ouvrit en grand. Il n'y avait qu'une personne qui pouvait venir la voir.

- On dit même plus bonjour ? Petite insolente ! Tu n'as pas changé...

La première gifle partit. Sa pauvre joue n'était plus habituée. Elle marqua directement.

- Ça faisait très longtemps que je n'étais pas venu ici. Tu as drôlement changé. C'est vraiment dommage que tu ne puisses pas sortir.

La prisonnière s'était levée. La plus vieille regarda son pauvre corps.

- Tu aurais pu plaire à beaucoup de jeunes hommes de ton âge. Soixante-quinze ans, c'est ça ?

Elle ne continua pas. Elle attendait la réponse de sa fille. Cette dernière n'en savait rien. Sa naissance, son âge, son nom, elle ne savait rien de tout cela. A part, celui que lui donnait la pauvre dame morte il y a des années maintenant.

Cette dame n'avait pas d'enfants. Elle le lui disait souvent. Elle lui disait qu'un enfant était comme une sorte de pierre précieuse : on met des fois tellement de temps à en avoir, qu'on les chérit toute notre vie. Cependant, il y en, habitués à cette richesse, à cet amour, qui ne connaissent même pas leur juste valeur.

- Tu as toutes les formes qu'un homme voudrait. C'est dommage que tu sois un démon. Regarde-moi, ces beaux cheveux de jais, dit-elle en les prenant en mains.

Ce contact dégoûta la jeune femme. Cette main sentait le parfum tellement fort, une odeur lui rappelant que les deux femmes ne vivaient pas dans le même monde.

- Et, tu as une bonne forme de visage, un teint pâle. A force de vivre ici, cela ne m'étonne pas !

Son rire transperça la pièce.

Elle préférait largement que sa génitrice la fasse souffrir physiquement, plutôt que de lui rappeler qu'il existe un autre monde.

- Tu sais pourquoi je ne suis pas venue ici depuis quinze ans environ ? Mon mari, ton père, suspectait quelque chose. C'est sûr que de revenir presque tous les jours avec les affaires remplies de sang. Heureusement, que ton sang sent comme le mien. Je pouvais donc dire que je mettais entraîner sans relâche. Ça passe bien dans cette famille.

Where are my fucking feelings ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant