Romance aérienne

Chap 2

— Permettez-moi de vous interrompre madame, insista l'homme à la droite de Stéphanie, mais je ne suis pas d'accord avec vous. Primo, les jeunes ne sont pas tous tels que vous les décrivez. Les gens qui voyagent, évidemment que vous ne voyez qu'eux. Mais les jeunes qui vivent enfermés chez eux, à étudier nuit et jour pour leurs concours et examens, vous ne les voyez pas. Donc votre jugement est faussé.

— Mais... commença la femme.

— Attendez, coupa l'homme. Je n'ai pas fini. Ensuite, quand bien même les jeunes voyageraient beaucoup, je ne vois pas en quoi il s'agirait d'un problème. Vous voyez, moi-même je suis jeune, j'ai vingt-huit ans, et je reviens chez moi, au Canada. Et je ne pense pas mener une vie instable pour autant.

— Ce que vous dites est intéressant, jeune homme. Je continuerais volontiers ce débat avec vous mais je crains que nous ne dérangions la jeune femme entre vous et moi.

— Ou sinon, proposa Stéphanie au jeune homme, je n'ai qu'à échanger ma place avec vous, comme ça vous pourrez débattre à votre aise avec madame.

— Ah non, je veux être du côté hublot !

— Vous n'allez pas recommencer, se plaignit Stéphanie.

— Mais c'est vous qui avez commencé !

— Vous êtes insupportable.

— Oui, on me le dit souvent. Vous en revanche, vous ne savez pas défendre vos idées. Vous m'avez dit que vous étiez photographe, pourtant ? Un artiste ne se doit-il pas de savoir accepter les critiques et argumenter pour défendre son œuvre ?

— Mais je... Cela n'a rien à voir !

— Oh si. Pourquoi partez-vous au Canada ?

— Pour trouver de l'inspiration, répondit sèchement Stéphanie.

— Trouver de l'inspiration ? Mais la France est pleine de beaux paysages, pourtant ! Et puis vous aviez toute l'Europe aussi, il n'était pas nécessaire de partir aussi loin pour trouver de l'inspiration.

— Laissez-moi voyager en paix bon sang ! Si je veux aller au Canada, je n'ai pas à me justifier.

— Mais il doit bien y avoir une raison à ce choix. Pourquoi cette destination ?

— Je ne sais pas, j'avais envie de découvrir les paysages de cet endroit, ça vous va comme raison ?

— Non, il doit y avoir une autre raison. Je finirai bien par la trouver.

La jeune femme voulut changer de sujet.

— Et vous, lança-t-elle, pourquoi partez-vous ?

— Moi ? Je rentre chez moi, au contraire.

— Vous n'avez pas l'accent québécois pourtant, remarqua Stéphanie.

— Et alors ? Il n'est pas obligatoire d'avoir un accent pour habiter au Québec, à ce que je sache ? J'ai vécu à Paris toute mon enfance. Je suis parti pour raisons personnelles et à présent j'habite à Montréal.

— Pour raisons personnelles ? demanda Stéphanie, ravie de mener la conversation à sa manière. J'attendais une explication plus détaillée, venant de la part de quelqu'un aimant tout justifier.

— Vous ne m'avez rien dit de plus sur vous, je ne vois pas pour quelles raisons j'en dirai plus sur moi.

— Bien, la conversation est close alors, se réjouit la jeune femme.

— Non, elle ne fait que commencer. Nous avons huit heures de vol, il faut bien s'occuper. Quel est votre métier ?

Stéphanie hésita à répondre. Cet homme avait presque le même âge qu'elle, et semblait déterminé à lui parler. « Je lui réponds une dernière fois, puis j'arrête toute conversation. », se promit Stéphanie.

— Je vous l'ai dit, je suis...

— Photographe ? coupa l'homme. Non, vous ne l'êtes pas. Vous aimeriez le devenir, vous appréciez prendre des photos, mais vous n'êtes pas photographe. Ça se voit dans vos yeux.

— J'enchaîne les petits boulots. Dernièrement, j'étais serveuse dans un café.

Même si elle s'était jurée de ne plus lui parler, la jeune femme décida tout de même de poser une dernière question à ce mystérieux homme.

— Et vous, que faites-vous dans la vie ?