Fabuleuse bibliothèque

La librairie-bibliothèque

Mlle Pâquerette entra dans la boutique après le «dlingiling» mélodieux de la porte et admira le décor qui l'entourait. Des milliers de livres jonchaient d'immenses étagères de bois. Après un moment de stupéfaction elle alla trouver le vendeur.

- Bonjour, déclara t-elle en tournant la tête de tous les côtés pour continuer à observer le bazar qui encombrait la pièce, j'avais entendu parler de votre librairie mais je ne savais pas à quel point elle était impressionnante. A la voir, on dirait que vous avez tous les livres du monde.

- C'est presque le cas, se venta le vendeur, un regard malicieux s'affichant derrière ses petites lunettes rondes, nous avons quelques classiques mais ce qui nous intéresse se sont les pépites que personne ne lit sous prétexte que le titre ne nous plaît pas. Nous donnons une chance à tous ces écrivains en herbe qui ont du mal à obtenir des conseils ou simplement à se faire publier. Vous comprenez ?

Mlle Pâquerette hocha la tête avec conviction.

- C'est très intéressant ce que vous faites.

- Merci, dit-il en souriant, vous vous appelez ?

- Coralie. Et vous ?

- Anton. Enchanté Miss Coralie. Bienvenue dans ma librairie. Répondit-il en ouvrant les bras.

- Vous tenez cet endroit tout seul ?

- Bien évidemment non. Mais il est vrai que je fais beaucoup. Les autres n'attachent pas particulièrement d'importance à notre activité. Alors que moi j'y mets tout mon cœur et toute mon énergie. Vous comprenez, ils ne se rendent pas compte que tous ces bouquins qui m'entourent sont ma seule famille, la seule en tout cas qui m'ait recueilli sans faire d'histoire et accepté comme je suis. Eux ils ne voient que des bouts de papiers avec quelques lettres d'encre mais je les pardonne, je sais bien qu'ils n'ont pas vécu la même chose que moi.

- Et... quelle est cette chose Monsieur... Anton ? Demanda Coralie avec curiosité.

Il rehaussa ses lunettes et passa une main dans ses cheveux bruns ébouriffés. Il paraissait embarrassé.

- Hum, hum, il s'éclaircit la voix et appuya ses mains sur le comptoir, il y a maintenant vingt-cinq ans, je fus adopté par une famille Danoise nommé Jørgensen. J'avais à peine neuf ans et j'avais dû endurer la mort de ma mère lors de mon troisième anniversaire. J'étais très mal psychologiquement mais ma nouvelle famille ne s'en rendait pas compte. Ou peut-être n'acceptait-elle pas le fait que je pense sans cesse à ma mère biologique. Qu'importe la raison, mais le fait est qu'ils m'ont remis à l'orphelinat six mois après l'adoption. J'ai ensuite décidé que je ne voulais plus jamais avoir quelqu'un pour s'occuper de moi. L'orphelinat m'a gardé et j'ai grandi au milieu des livres de leur grande bibliothèque. Les livres étaient là quand j'avais besoin d'eux alors maintenant je leur offre tout ce que j'ai. Ma maison et mon entière soumission.

- Vous vivez ici? l'interrogea Mlle Pâquerette, étonnée.

- Oui, au troisième étage, au milieu des plantes, du soleil et de récits plus palpitants les uns que les autres. C'est fabuleux n'est-ce pas ?

- Oui, absolument, admit la jeune fille.

- Vous trouverez ici toutes les informations dont vous aurez besoin. Vous cherchez un livre en particulier ?

- Non. Maintenant, rien que le réconfort de tout ce bazar démentiel.

Anton se contenta de sourire. Une petite fenêtre disposée sur le toit de la boutique, tout en haut de ce qui devait être le troisième étage, laissait passer les doux rayons du soleil. Les autres pièces qui composaient la demeure devaient être réparties autour de l'étrange pièce carrée qui se resserrait sur Coralie. Elle se sentait parfaitement bien. Mieux que tout ce qu'elle avait imaginé. Elle devina ce jour-là que sa place était ici, à respirer le parfum acre des couvertures de tous ces livres.