Le parquet grince sous les pas d'une femme frêle à l'âge avancé. Elle se trouve dans une vieille chambre d'adolescente. Une fine couche de poussière grise recouvre le sol et des posters recouvrent les murs. Le lieu dégage une atmosphère presque irréelle avec ce lit à baldaquin trônant au milieu de la pièce, entouré d'une cascade de rideaux blanc. On aurait dit que l'endroit n'avais pas été visité depuis des décennies.
Une latte du parquet grince plus fort que les autres. La femme se baisse, surprise. Elle l'examine, et finit par la retirer difficilement. Dessous est posé un petit coffre noir. La clé est juste à côté. La femme la tourne dans la serrure, et le coffre s'ouvre. Il y a trois tas. Trois tas égaux de feuilles de papier maintenues ensembles par des rubans blancs. En les examinant de plus près, la femme voit que ce sont en fait des lettres. Elle s'assoit en tailleur, malgré son âge, sur le sol poussiéreux, et prend le tas de gauche.
Puis elle lit.
Lettre 1 :
"Chère Luna,
Cela fait deux mois que tu es partie. Tu me manque.
J'aimerai que tu sois là, à mes côtés. J'espère que tu es heureuse, là ou tu es. Je l'espère sincèrement. J'aurais préféré que tu ne me quitte pas. Je me serai occupée de toi et j'aurais continué à t'aimer. Tu le sais, n'est-ce pas ? Rien de peut ébranler l'énorme affection que j'ai pour toi.
Je t'écris cette lettre mais pourtant que ne l'enverrai pas. Je ne sais même pas ou tu es. C'est un moyen pour moi de me soulager de ma douleur infinie.
Ta Corail."
Lettre 12 :
"Chère Luna,
Cela fait cinq mois que tu es partie. Tu me manque.
Ne plus entendre le son de ta voix, ne plus voir tes yeux émeraude me font pleurer. J'aimerai te revoir, ne serais-ce qu'une fois.
Pourquoi m'as-tu donc quittée ? L'autre jour tu étais à mes côtés, le matin d'après tu avais disparue. Ou es-tu allée ?
Maman m'a dit d'arrêter de me lamenter, que je ne te reverrai pas et de passer à autre chose. Elle n'a pas dit ça méchamment, mais ça m'a fait comme un coup de poignard dans le ventre.
J'ai mal, Luna. Je souffre. Reviens, je t'en supplie.
Ta Corail."
Lettre 24 :
"Chère Luna,
Cela fait huit mois que tu es partie. Tu me manque.
L'autre jour, papa m'a déclaré que je verrai un psychologue chaque semaine, car d'après mes professeurs, je vais mal. Je ne suis plus attentive et je parle à peine avec mes amis.
Apparemment, je me transforme peu à peu en zombie. Je ne sais pas si je dois rire ou avoir peur de cette image.
Je me suis acheté un bracelet de pierre vertes. Maman à paru inquiète quand elle l'a vu, mais elle n'a rien dit.
Ces pierres me rappellent tes yeux.
Ta Corail."
Lettre 40 :
"Chère Luna,
Cela fait dix mois que tu es partie. Tu me manque.
La psychologue m'a conseillé de tourner la page. Comment peut-elle dire une chose pareille ? Je ne veux pas t'oublier. Jamais. Je penserai à toi jusqu'à ma mort, et même au delà.
Je ne devrai pas évoquer la mort. Ça me fait songer que tu l'as peut-être rejointe.
Ta Corail."
Lettre 52 :
"Chère Luna,
Cela fait quatorze mois que tu es partie. Tu me manque.
Cela fait aussi un an que je t'écris chaque semaine.
Il y a quelques jours, c'était Noël. À presque quatorze ans, je devrais adorer cette fête. Mais je n'avais pas le cœur à ça. Je n'ai pas souris et pas articulé plus de trois mots pendant le réveillon.
La seule fois ou j'ai parlé, c'était pour demander à maman ou est-ce que tu étais. Elle a eu l'air agacée. "Tu ne vas donc jamais changer de disque ?" m'a-t-elle dit. "Non", je lui ai répondu.
J'ai passé le reste de la soirée à pleurer aux toilettes.
J'aimerai toucher tes belles boucles brunes.
Ta Corail."

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Trois petits tas
Short StoryOù es-tu ? Que fais-tu ? Pourquoi es-tu partie ? J'ai mal, je souffre. J'aimerai te revoir.