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Ce sont les fleurs de l'arbre de paradis qui m'ont fait penser à la robe. Les fleurs, leur parfum, la nuit, la dispute.Je suis accro au parfum de ces fleurs. Je ne peux ni ne veux l'éviter ; la nuit, je reste des heures penchée a la fenêtre de ma chambre, a respirer l'air dense et doux a la fois qui se dégage des arbres du trottoir en bas de chez moi; j'habite au deuxième étage et la cime débordant de fleurs arrive presque a la hauteur de mon nez. C'est dommage qu'il n'y ait qu'une floraison par an: en octobre, rien qu'en octobre.
Penchée a la fenêtre de ma chambre, je pensais à la soirée déguisée que ma cousine Ayelen allait organiser. Une fête ridicule, avec ma débile de cousine et ses débiles d'amies. Bien sûr j'ai d abord dit que je n'irais pas. D'ailleurs, ma cousine m'avait invitée en sachant pertinemment que je refuserait. Je suis sûre qu'elle l'avait fait parce que sa mère - soeur de la mienne- l'y avait obligée. L'antipathique Ayelen ne m'aurait jamais conviée à Moins d'être contrainte, forcée et même menacée par ma tante. Ayelen et moi ne nous sommes jamais bien entendus. Mais cette fois ma cousine avait eu l'idée d'organiser une fête déguisée, et moi, j'étais obligée d'y assister, car, il est bien temps de le dire, tout comme sa sœur, ma mère est aussi très attachée au principe sacré de faire son devoir envers la famille. En conclusion, pour éviter un conflit de plus à la maison, et sachant qu'on en avait déjà suffisamment, j'avais fini par accepter.
Cette nuit d'octobre, alors que je respirais le parfum de l'arbre de paradis et que je remâchais ma haine profonde envers ma cousine, je me suis rappelé une robe que ma mère portait quand j'étais petite, une robe d'été avec un tissu imprimé de petites fleurs bleu ciel et rose pâle, comme celles de l'arbre de paradis. Et, avec le souvenir de cette robe, m'est revenue à l'esprit une boutique, située près de l'école, où l'on vend de vieux vêtements. Souvent, en passant devant, je m'attarde un peu à regarder les habits, dont la majorité date des années soixante-dix, soixante et même des années cinquante. C'est comme ça que j'ai eu l'idée d'aller y dénicher une robe pour la soirée. Eh oui, pourquoi pas ? Je pourrais très bien me déguiser en jeune femme des années soixante par exemple. Bien sûr, J'aurais pu me confectionner un costume avec ce que j'avais à la maison, mais je m'étais mis en tête d'acheter l'une de ces robes, et comme ma mère voulait m'envoyer a cette fête à tout prix, elle ne ferait probablement pas trop d'histoire pour la dépense.
Le jour suivant, en sortant de l'école, je suis allée directement à la boutique. J'ai dû passer deux heures à tout essayer. La propriétaire était très sympathique et elle savait des tas des choses sur les modes, les époques, les styles, les tissus. À chaque robe que j'essayais, elle me racontait une histoire des plus divertissantes.
Tant et si bien que J en ai oublié que c'était mon tour de faire le repas, et comme ça qu'une dispute avec mes frères m'attendait à la maison, suivie d'un sermon de ma mère, laquelle m'a téléphoné depuis son travail pour me reprocher mon manque de sérieux, parce que, comme c'était logique et prévisible, mes frères l'avaient déjà appelée pour dénoncer mon absence en cuisine. Enfin bref, rien de bien grave. Pour finir, chacun s'est préparé un sandwich et une nouvelle répartition des jours de cuisine a été instaurée; en d'autres termes, le lendemain, ce serait de nouveau mon tour.
Revenons à la robe. La dame de la boutique avait insisté pour que je prenne une tenue complète  des années soixante qui m'allait vraiment bien, mais qui ne me convainquait pas totalement; la robe était courte et droite, à carreaux, tel un échiquier noir et blanc
_Style Courrèges, m'avait expliqué la dame. Le dernier cri du milieu des années soixante. Tu devrais la mettre avec ça (Elle m'a tendu une horrible pochette, De la taille d'un portefeuille, avec une anse minuscule) Ah, et j'ai aussi les chaussures, a poursuivi la dame en descendant une boîte d'une étagère. Tu vois? On les portait comme ça, avec un talon bas et large a la fois.
Non, la dame avait beau dire qu'elle m'allait <<comme un gant>>- c'est ce qu'elle avait dit: <<comme un gant>>-, moi je n'étais pas complètement convaincue. J'ai donc continué mes recherches jusqu'à trouver une robe différente, qui m'a rappelé des séries télé très anciennes, où on voit des filles avec des vêtements froncés ou plissés tombant sous le genou, avec des socquettes et des chaussures presque plates. Je dois dire, sans exagérer, que cette robe m'a fait beaucoup d'effet, même si je ne peux pas bien expliquer pourquoi. Je ne sais pas, j'ai ressenti quelque chose. J'ai deviné que ce que j'avais devant moi était plus qu'une robe. C'est étrange, mais ça s'est passé comme ça. Après tout, il ne me faudrait pas beaucoup de temps pour comprendre qu'il y avait des motifs réels qui expliquaient ces intuitions.
Je l'ai essayée. Il n'y avait pas de doute, c'était ma taille. Je me suis sentie bizarre mais elle m'a plu; peut être à cause de sa couleur: j'adore le jaune.
- Elle est en organdi jaune, m'a informée la propriétaire de la boutique. Regarde la quantité de tissu qu'on utilisait avant pour faire une robe.
Elle avait raison. Les fronces au niveau de la taille retombaient en d'innombrables plis qui se détendaient bien au dessous du genou. J'ai attrapé le pan de la robe de chaque côté, et j'ai levé les bras parallèles au sol. Il restait encore du tissu, et J aurais pu les lever encore plus haut encore. En me regardant dans le miroir, je me suis souvenue d'une photo de ma mère et de ma tante Luisa quand elles étaient petites, bras dessus, bras dessous, et qui soulevaient le bas de leur robe; des robes qui ressemblaient à celle que j'étais en train d'essayer, avec des manches courtes et bouffantes et des noeuds au niveau de la taille
- Elle doit être ancienne, ai je demandé à la vendeuse
- Elle date des années cinquante, a-t-elle répondu sans hésiter. Mais tu remarqueras quelle est en parfait état dit elle en soulevant une partie de l'ourlet et me l'approchant des yeux. La femme qui me la vendue l'avait apportée dans une housse et elle m'avait assuré qu'elle était resté comme ça pendant de nombreuses années. Déposés la à la teinturerie et elle sera comme neuve.
Ce soir la, des que ma mère est rentrée du travail, je lui ai montré la robe. Elle l'a adoré, mais ça l'a aussi rendue nostalgique. Elle s'est mise à parler de son enfance, des grands parents, De quand elle et Luisa allaient aux anniversaires de leurs amis et qu'elles prenaient du chocolat, bref elle a commencé à faire des comptes a rebours et les années défilaient comme si de rien n'était, et elle en est arrivée à la conclusion suivante: quand la propriétaire de la robe- je parle de la première puisque que maintenant il s'agissait de ma robe- la portait et, en supposant qu'il s'agissait d'une adolescente d'à peu près mon âge, elle et Luisa devaient avoir respectivement cinq et six ans, c'est à dire leur âge sur la photo dont je m'étais souvenue en voyant la robe pour la première fois.
Bref après cette séquence nostalgie, ma mère est redevenue la femme a l'esprit pratique de toujours: en ajustant la robe contre elle en même temps qu'elle pointait vers le bas son œil exper, elle a déclaré:
- Hum; j'ai l'impression qu'elle est trop longue. Essaie la, on va voir s'il faut la raccourcir un peu.
J'ai obéi. Ma mère a conclu qu'il y avait cinq centimètres de trop
- Ça se portait long mais pas à ce point , a-telle- affirmé. Découds l'ourlet, et après manger je te le fais.
Elle n'a plus rien dit, elle est allée dans la cuisine, a allumé la radio et à commencé à préparer le repas.
Moi j'ai pris la boîte à couture et je me suis enfermée dans ma chambre. J'ai étendu la robe sur le lit et, en faisant très attention, je me suis mise à couper le fil très fin qui parcourait le très large ourlet. J'en avait décousu presque la moitié quand j'ai découvert la lettre....

A suivre... 😉

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 20, 2020 ⏰

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Octobre, un crime Où les histoires vivent. Découvrez maintenant